Menacé par le choléra …

6826_neuilly_saint_front_rapport_zoom_1.jpg

Voir toutes les images (1)

Extrait du registre de délibération de la commission administrative de l'hospice de Neuilly-Saint-Front qui relate le 8 novembre 1832 le zèle de deux religieuses et de leurs deux élèves durant l'épidémie. 

Fonds de l'Hôtel-Dieu de Neuilly-Saint-Front - H-dépôt 14

« Dès les premiers momens où la maladie du Choléra morbus s’est manifestée sur la classe pauvre, l’effroi a saisi presque tous les individus ; les malades rassemblés précipitamment dans les logemens de l’hospice préparés pour les recevoir, présentaient un spectacle très affligeant » décrit le président de la commission administrative de l’hospice de Neuilly-Saint-Front dans une délibération du 8 novembre 1832. Le rapport envoyé par le maire de la commune au préfet le 9 mai 1832 n’est pourtant pas alarmant, il ne déplore à cette date aucune victime malgré la peur de l’épidémie qui règne dans la commune depuis quelques semaines.

Déclarée en Inde en 1817, l’épidémie de choléra s’est propagée jusqu’à atteindre la France en 1832, laissant derrière elle près de 50 millions de victimes1. La maladie s’est déclarée en mars à Paris, pour s’étendre ensuite au nord-est, sud-est et sud-ouest. Dans l’Aisne, la commune de Chézy-sur-Marne est la première touchée par l’épidémie dès le 5 avril. Le nombre de décès dans le département s’élève à plus de 6700 sur 30 000 personnes atteintes de la maladie2.

En 1832, la cause de la maladie n’est pas connue3 mais les symptômes en sont facilement reconnaissables : vomissements, nausées, diarrhées, fortes transpirations. Ces derniers peuvent toutefois être facilement confondus avec les symptômes d’autres maladies bénignes comme l’explique le maire dans son rapport au préfet : « Dans les premiers jours, les esprits prévenus et effrayés voyaient dans la plus légère indisposition les symptômes du choléra. Cette malheureuse inquiétude a très souvent aggravé le mal ».

Bureaux de bienfaisance, grâce aux distributions supplémentaires de vivres (notamment de viande), mais surtout hospices et hôpitaux jouent un rôle essentiel durant l’épidémie. A Neuilly-Saint-Front, les malades sont regroupés dans l’hospice qui dispose de vastes espaces, d’ustensiles et de draps. La concentration des malades dans un lieu unique permet au médecin de gagner du temps mais également d’éviter que des traitements non appropriés soient distribués directement par les familles, et notamment par les « commères » dont on se méfie. Le personnel médical est souvent restreint : le docteur Cordival exerce par exemple à Neuilly-Saint-Front et dans les communes alentours, aidé par deux religieuses et un officier de santé (qui ne tarde pas à tomber malade à son retour d’un voyage à Paris où il était parti se former sur le traitement de la maladie).

Après plus de 7 mois, l’épidémie disparaît fin novembre dans le département comme dans le reste du pays. Elle reste toutefois bien présente dans les esprits et se développe à nouveau en 1853, frappant durement la France. Des mentions de mesures de prévention contre le choléra perdurent dans les documents d’archives jusqu’au début du XXe siècle.

1Bourdelais Patrice, Demonet Michel, Raulot Jean-Yves. La marche du choléra en France : 1832-1854. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 33e année, N. 1, 1978. pp. 125-142. 
2Leroy Marcel. La grande peur de 1832. Le choléra à Villers-Cotterêts. In: Mémoires de la fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, tome XXVIII, 1982, pp. 187-192. 
3Elle est découverte en 1884 par un médecin allemand, Robert Koch, qui identifie l’origine du choléra : la pénétration du vibrio cholerae ou « bacille-virgule » dans l’intestin