1793, brigandage en Vendée

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Le fonds de l’hôtel-Dieu de Château-Thierry réserve des surprises à qui sait les découvrir. Dans la série M, consacrée au financement, un dossier constitué de 10 pièces papier, datées de 1791 à l’an III, est conservé sous le numéro 127. Plus précisément, il s’agit de la correspondance échangée entre un dénommé Degounor l’aîné et l’administration hospitalière de Château-Thierry au sujet du paiement de frais d’hospitalisation du frère du précité. Ce dossier porte comme analyse : paiement des frais d’hospitalisation d’un fermier de Vendée par son frère.

 

La personne hospitalisée à l’hospice d’Égalité-sur-Marne, alors le nom de Château-Thierry, se nomme Louis Degounor. Il est âgé d’environ 36 ans en 1792 et a été étudiant en médecine[1]. Sa famille est originaire de Vendée, plus précisément de la Trévillière, dépendant de la commune de Bretignolles-sur-Mer. Malheureusement, sa santé se fragilise et son état mental se dérègle. Il se retrouve ainsi « pensionnaire au couvent de l’hôpital St Jean de Dieu de la charité au Château de Thierri[2] » à une date antérieure à septembre 1788. Il y restera jusqu’à sa mort survenue le 12 mai 1813[3].

 

Durant cette période, c’est son frère aîné, Jacques-Louis Degounor, qui se charge de régler les frais d’hospitalisation. Ce dernier, né en 1736, est avocat en parlement. Homme très lettré, il a, semble-t-il, beaucoup d’esprit et fut l’ami de Voltaire[4]. Acquis aux idées révolutionnaires, il devient un temps procureur-syndic du district des Sables-d’Olonne. Il décède à 76 ans le 21 janvier 1812 (jour anniversaire de la mort de Louis XVI) à Bretignolles-sur-Mer, un an avant son frère.

 

Dans la lettre présentée ci-dessus, datée des Sables le 2 mai 1793, l’an 2e de la République française, il est certes question de l’envoi d’une somme de 300 livres pour le règlement d’une partie des frais d’hospitalisation de Louis Degounor, mais l’auteur donne surtout des informations relatives aux troubles qui agitent sa région.

 

L’insurrection vendéenne éclate effectivement en mars 1793 en réponse au décret de la Convention nationale sur la levée des 300 000 hommes. Des troubles se produisent ainsi en Vendée, mais aussi en Maine-et-Loire et en Loire-Inférieure. Dès le 3, des heurts se produisent à Cholet. Le 11, des patriotes sont massacrés à Machecoul. La garde nationale est impuissante et l’armée de métier dépassée. Le mouvement s’amplifie et les paysans vont chercher des nobles afin qu’ils se mettent à leur tête. Ils ont pour nom : Bonchamps, Cathelineau, Stofflet, Charette, La Rochejaquelein... De quelques centaines, les insurgés sont bientôt des milliers organisés en armées. Ils prennent rapidement possession des villes de la région : Cholet, La Roche-sur-Yon, Tiffauges…

 

À la mi-mars, « des brigands égarés par des prêtres et des ci-devant nobles » se rassemblent et marchent en nombre sur Bretignolles-sur-Mer. Jacques-Louis Degounor, atteint d’une crise de goutte, est fait prisonnier et gardé chez lui pendant 11 jours par « six fusiliers » qui mettent à mal son blé, son vin et son mobilier. Les Vendéens se dirigent ensuite sur les Sables-d’Olonne. Jacques-Louis Degounor, laissé en vie, en profite pour se réfugier à Saint-Gilles « où il y a une garnison de six à sept cent gardes nationaux bordelais ». Là, il y reste 6 jours puis, pour plus de sureté, gagne les Sables-d’Olonne qui avaient réussi à repousser l’attaque des « brigands ». Il n’est pas le seul à faire ce voyage, les notables républicains de Saint-Gilles et de Challans l’ont également entrepris.

 

Dans la suite de sa lettre, Jacques-Louis Degounor reste optimiste quant à la victoire rapide et prochaine des troupes républicaines. N’écrit-il pas que « Les premiers coups de canon les[5] mettent presque toujours en fuite ». Presque ! En fait, les troupes vendéennes, regroupées dans un premier temps au sein de la Grande armée catholique et royale, vont défier le pouvoir central pendant des années. Il faudra attendre la paix de Montfaucon-sur-Moine, le 18 janvier 1800, pour entrevoir la pacification de la Vendée. Des sursauts auront encore lieu en 1815 et 1832, mais rien de commun avec l’année 1793.

 



[1]. Information issue d’un acte de vente du 29 septembre 1788 contenu dans un registre des insinuations de la Châtellenie de Saint-Gilles-sur-Vie, Arch. dép. Vendée, B 1096.

[2]. Ibid.

[3]. Arch. dép. Aisne, 5 Mi 1064.

[4]. Charles-Louis Chassin, La préparation de la guerre de Vendée, 1789-1793, t. 1, Paris, Imp. Paul Dupont, 1892, p. 115.

[5]. Comprenez les brigands ou comme dit l’auteur les voleurs publics.