1941 : la création de l’Ordre des médecins dans l’Aisne

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C’est sous l’Occupation qu’est créé en France l’Ordre des médecins. Par une loi du 7 octobre 1940, soit quelques mois seulement après le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et la mise en place du régime de Vichy, le corps des médecins est doté d’une nouvelle autorité régulatrice. Cette étonnante précipitation répond autant à une volonté idéologique qu’à une stratégie visant à gagner les faveurs des médecins, notables influents : elle leur offre une représentation inédite et le moyen de défendre leurs intérêts.

 

Un conseil supérieur de la médecine (à l’échelle nationale) est ainsi créé, accompagné de conseils départementaux. Dans l’Aisne, celui-ci voit le jour en 1941 : le 14 février, en présence du préfet, se réunit la première séance du « conseil départemental de l’Aisne de l’Ordre des médecins ». Le procès-verbal de cette réunion est précieusement conservé par les Archives départementales, ainsi que les suivants. Associés à plusieurs lettres, listes et circulaires, ces documents sont riches en information.

 

La mise en œuvre de ces nouvelles instances répond d’abord aux enjeux et priorités du régime de Vichy : pour mieux s’en assurer, leurs membres ne sont d’ailleurs pas élus mais nommés par le gouvernement (cela changera en 1943 avec l’organisation d’élections). La fidélité à l’œuvre et à la politique du Maréchal Pétain est ainsi mise en avant dans les discours, autant que le respect de son idéologie incarnée par le célèbre triptyque « travail, famille, patrie ». La création de l’Ordre s’accompagne de la dissolution de toutes les organisations professionnelles qui préexistaient : la Fédération des syndicats médicaux du département de l’Aisne mais encore les syndicats médicaux des arrondissements de Laon-Soissons et Vervins, de Château-Thierry ou encore de Thiérache voient leurs activités interdites et leurs biens mis sous séquestre. La défense du corporatisme passe par une organisation unique.

 

Les nouveaux conseils sont chargés de défendre les intérêts de la profession, et ainsi de garantir – dans l’esprit de Vichy – une meilleure couverture médicale du territoire. Ils ont pour première mission de dresser la liste des médecins désormais habilités à pratiquer : nous avons la chance qu’elle ait été préservée pour l’Aisne, ce qui constitue un instantané de la profession en 1941-1942. On y découvre par exemple que seules deux femmes exercent dans le département à cette date.

 

Mais ces listes sont plus tragiquement le moyen pour les conseils départementaux – et celui de l’Aisne ne fait pas exception – d’appliquer les mesures discriminatoires et autoritaires du régime de Vichy, et en particulier l’exclusion des Juifs et des étrangers de la profession. L’objectif d’« éviter l’invasion de la profession médicale par les Juifs » est explicitement mentionné par le président du conseil de l’Aisne le 19 février 1941. Plus tard, c’est également le conseil qui se chargera de l’examen médical des travailleurs participant à la Relève (main-d’œuvre française envoyée en Allemagne en échange du retour théorique de prisonniers de guerre).

 

Comme toute la législation du régime de Vichy et parce que l’Ordre des médecins avait été une courroi de transmission de l’idéologie de la Révolution nationale, il est dissous à la Libération par ordonnance du 27 août 1944. Mais dès le 12 octobre, un nouvel Ordre (provisoire) est recréé : c’est l’ancêtre de celui que nous connaissons aujourd’hui.

 

Documents conservés sous la cote 1322 W 1 : compte rendu des séances du conseil départemental de l’Aisne de l’Ordre des médecins (page ouverte du 14 février 1941), discours du président lors de la séance inaugural du conseil (14 février 1941), liste des médecins de l’Aisne inscrits au tableau de l’Ordre (env. 1941-1942), lettre du docteur Lemarchal au Docteur Deguy (19 février 1941).