Des moulins à Laon au XVIIIe siècle

92 E 26
92 E 30

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La richesse des archives notariales n’est plus à démontrer : elles constituent une source privilégiée pour l’histoire sociale, économique et pour retracer des destins individuels dans le cadre de la généalogie. Les notaires sont des officiers publics qui enregistrent des actes très variés sous forme de « minutes ». Certains actes renseignent directement la généalogie de nos ancêtres (contrats de mariages, testaments, inventaires après décès, partages et donations entre vifs), tandis que d’autres portent sur le patrimoine ou les transactions immobilières (actes de de vente, baux de location, marchés de travaux…).

 

Dans la myriade des baux passés devant notaire, il est rare de trouver un plan annexé au contrat de location. Le cas du meunier Jean Ponce Grimblot sort de l’ordinaire puisque deux baux consécutifs, octroyés en 1785 et en 1789 par les autorités urbaines de Laon sont accompagnés chacun d’un plan de situation des terrains concernés.

 

Jean Ponce Grimblot est né en 1735 dans le village de Bourgogne dans la Marne. Il s’installe dans le village d’Eppes au plus tard en 1768, puis à Laon après son mariage avec Marie-Claude Pétronille Gardé célébré le 22 février 1773. Tout comme ses frères, Jean-Jacques Noël et Jean-Léon, Jean-Ponce Grimblot exerce la profession de meunier. Son épouse est d’ailleurs également issue d’une génération de meuniers : son aïeul Jean-Charles Gardé est installé au faubourg de Leuilly et son père, Nicolas, reprend ensuite le flambeau.

 

Le 31 août 1785, les autorités urbaines de Laon concèdent à Jean Ponce Grimblot et son épouse un terrain appartenant à la ville, à l’angle nord-ouest du plateau, au lieu-dit Les retranchements. Surtout, le bail précise que Jean Ponce Grimblot et Marie Claude Pétronille Gardé « ont replacé leur moulin à vent qu’ils ont de nécessité de transporter en cet endroit de celuy ou il etoit pour le laisser libre pour la construction desdittes cazernes ». En effet, c’est sur ce même secteur qu’est construite simultanément la caserne des Dragons de la Reine dont les travaux s’étalent entre 1783 et 1788.

 

Le transfert de ce moulin indique qu’il s’agissait probablement d’une structure itinérante pouvant être déplacée à un autre endroit. Le dessin accompagnant le bail de 1785 semble montrer qu’il s’agit d’un moulin sur pivot qui devait être posé sur des dés maçonnés. Cette petite structure de section carrée était accessible par une échelle et éclairée par une porte et une fenêtre. Une girouette surmonte apparemment le toit.

 

En 1789, la ville de Laon renouvelle ce bail en y adjoignant une bande de terrain intermédiaire « non compris dans le dit bail à rente » de 1785. À nouveau un dessin, cette fois-ci plus achevé et coloré, est joint à l’acte notarié. Nous y lisons parfaitement le dessin des remparts, l’ancienne porte médiévale dite « porte Gaillot » et la fontaine Gaillot qui fournissait de l’eau. Le terrain affecté au meunier est clairement délimité à l’est par un mur, et le dessin des bâtiments qu’il occupe est réalisé avec une précision plus affinée. L’auteur du dessin a enfin pris soin de faire figurer le potager.

 

Ces deux documents nous fournissent d’utiles précisions sur le secteur méconnu des retranchements, excentré mais entouré par le mur médiéval. Plus largement, ils nous rappellent opportunément que sous l’Ancien Régime, la ville de Laon a compté une dizaine de moulins, établis sur le plateau, sur sa frange ouest où les vents dominent. Ces moulins étaient disséminés du côté de l’abbaye prémontrée de Saint-Martin, vers la porte de Soissons et sur la butte dite de Morlot.

 

Sources : 92 E 26 et 92 E 30 (minutes de maître Rousseau, 1785 et 1789).