La vie malgré tout : remise en état et renaissance de la nature

Du traumatisme à l'espoir

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« (…) on m’avait dit : « vous ne reconnaîtrez plus la forêt. De vos tranchées, de vos abris ; il ne subsiste que des ruines. Un hiver encore…Quand le printemps prochain aura recouvert le sol de pousses nouvelles et d’herbes hautes, tout vestige sera effacé de ce que vous avez connu en 1914 et 1915. (…) La côte gravie, un coup au cœur : un coin de l’ancien front est devant nous et nous voilà replongés soudain dans l’atmosphère de la guerre.(…) Les paysages sont vraiment des états d’âme. Nous les contemplons pas seulement avec nos yeux, nous les vivons en nous. (…) Dans ces lieux où j’ai souffert, peiné, tremblé, je ne puis croire au calme du paysage. Les collines, les saulaies, les herbes mêmes ont je ne sais quoi de tragique et d’horribles. Leur calme n’est que feinte et traîtrise. La guerre règne ici pour l’éternité. »

Jacques Péricard (1920), cité par Martine Becker, Paysages militaires et tourisme en France, thèse dactylographiée, Université de Paris IV, [2003], 2 vol., p. 480.

 

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Le chaos existe encore

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« Le chaos existe encore, mais il est voilé. La végétation a repoussé tant bien que mal. Là où les hommes ont abandonné la tâche, la nature s’est mise à l’œuvre toute seule. (…) Aujourd’hui, un touriste point averti - si, par miracle, on découvrait ce genre de touriste – ne pourrait se douter qu’un drame prodigieux assassina cette terre en même temps qu’il anéantissait les êtres. A peine serait-il surpris de l’aspect un peu baroque de la configuration du sol. »

L’Illustration, n° 4770, 4 août 1934, p. 448.

 

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A Beaurevoir

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« A Beaurevoir, les points de comparaison jalonnent mon souvenir : c’est, dans mon enfance, le village aux fermiers et aux tisserands, avec ses reliques féodales. (…) Et nous voici (…) dans une ville refaite, en ordre, au travail, ayant ressaisi les premiers éléments de son antique prospérité. Tout est refait. (…) Les derniers bois, les vergers verts ont disparu, et, avec eux, les mœurs ancestrales, l’attache aux vieux mystères rustiques ou sylvains. (…) Pas un vieux foyer, pas un vieil arbre ; une tranchée entre le passé et l’avenir. »

Gabriel Hanoteaux, En Belgique par les pays dévastés, Plon, Paris, 1931, p. 14-17.

 

 

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21 mai 1916

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« 21 mai 1916

(…) La colline elle-même était à l’origine en partie boisée et n’en laisse plus que paraître quelques troncs noirs, il n’y a plus aucune feuille verte ni brin d’herbe, et malgré tout, dans toute cette horreur, une merveilleuse apparition : au matin une alouette chante et des multitudes de hannetons bourdonnent autour de nous et nous rappellent qu’au-delà de cette guerre, que nous devons endurer, il y a encore un merveilleux printemps qui, après nous être battus, va encore nous réjouir. »

Christian Bordeching, cité dans Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918,  Paris, Librio- Flammarion, 1998, p. 110. (Christian Bordeching, lieutenant dans l’armée allemande, était le fils d’horticulteurs domiciliés à Brême. Etudiant en architecture, il fut tué sur le front le 20 avril 1917, à l’âge de 24 ans).

 

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Il restera toujours de belles choses

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« Nous aurons beau inventer des moyens de détruire, il restera toujours de belles choses ; et ce que nous aurons fait de mal à la nature sera peu de choses à côté de toutes les beautés qui survivront ».

J. Ferdinand Belmont, cité par Jean-Norton Cru, Témoins, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1993.

 

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La nature

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« Sans doute la nature aura vite fait de cacher sous la poussée de ses forces éternellement créatrices les attentats et les crimes des hommes ; les tranchées comblées disparaîtront sous les sillons nouveaux ; d’autres arbres même, plus lentement, remplaceront ceux dont l’ennemi en fuite scia méthodiquement les troncs, dans nos vergers ».

André Michel, dans sa préface à : Etienne Moreau-Nélaton, Les trésors d'art de la France meutrie, du Laonnois à la Brie, Paris, Gazette des Beaux-Arts, 1921, p. VIII.

 

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Pontavert n'existe plus

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« Pontavert n’existe plus. L’anéantissement a été total. Pourquoi cette obstination émouvante des habitants à se cramponner aux pierres éparses de ce qui ne constitue même plus des ruines ? Il reste le sol, le sol où l’on naquit, où l’on s’éleva, où les anciens moururent (…). Le sol qui porta un nom de village de France ne sera pas abandonné et cette présence courageuse d’une population revenue obligera ceux qui font actuellement des plans de reconstruction à reconstruire Pontavert. »

L’Illustration, n° 3992, 6 septembre 1919.

 

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Regards actuels

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« La guerre est un acte profondément culturel dans lequel les hommes engagent tout leur savoir technique et qui modifie, parfois considérablement, le cadre naturel et le paysage préexistant. Mais c’est aussi par essence un paysage éphémère, qui ne survit guère aux combats qui le font naître. Dès la fin de la guerre, ou simplement d’une bataille, les hommes s’efforcent d’effacer les stigmates des combats, de reconstruire un cadre de vie. S’ils ne le font, le temps se charge d’adoucir puis d’effacer ces traces. »

Martine Becker, Paysages militaires et tourisme en France, thèse dactylographiée, Université de Paris IV, [2003], 2 vol., p. 348.

 

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Cette trop fameuse zone rouge

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« Cette trop fameuse zone rouge, espace de dévastation absolue estimée à quelque 178 511 hectares en 1918, aurait volontiers été dévolue par les décideurs parisiens à la mémoire et à l’histoire. Plusieurs projets avaient été évoqués, forêt sacrée ou large route commémorative. Mais ces projets rencontrèrent une farouche opposition locale, et la zone rouge fut révisée à la baisse à plusieurs reprises. Elle n’était plus que de 48 820 hectares en 1927 (…). C’est précisément dans ces « zones rouges » qu’ont subsisté les vestiges des paysages de la guerre, peu à peu cachés par le couvert forestier. »

Ibid., p. 479.

 

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Ces forêts de zone rouge

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« Ces forêts de zone rouge, longtemps considérées comme des espaces sans grand intérêt, un pis-aller pour des zones mortes, s’avèrent être de formidables conservatoires de mémoire et d’histoire.»

Ibid., p. 515.

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La vallée marécageuse de l'Ailette

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« La vallée marécageuse de l’Ailette fut reboisée en peupliers et en aulnes, les pentes en pins sylvestres, hêtres et chênes, la langue de plateau en pin noir d’Autriche. C’étaient des régions de sols sableux peu épais ou une table calcaire tapissée de rendzines caillouteuses. Partout ailleurs les plateaux avaient été rendus aux cultures et ceci confirmait l’importance de l’épaisseur des limons blancs et rouges qui avaient pu supporter de tels bouleversements sans en être stérilisés. »

Pierre Brunet, Structure agraire et économie rurale des plateaux tertiaires des plateaux tertiaires entre la Seine et l’Oise, thèse d’Etat, Caen, Caron et Cie, 1960, p. 398.

 

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Les plateaux du Soissonnais et du Laonnois

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« Les plateaux du Soissonnais et du Laonnois, riches régions agricoles avant guerre n’avaient pas davantage l’intention de devenir un conservatoire des paysages de guerre. Leurs habitants revenus ont patiemment remis en état un secteur classé en zone rouge et qui semblait pourtant ne jamais pouvoir cicatriser. Aujourd’hui encore, chaque labour profond fait remonter munitions, ferrailles tordues, parfois des ossements. Mais la terre est redevenue belle et féconde, le paysage harmonieux et paisible. Le souvenir de la guerre n’a pourtant pas été totalement effacé. L’extrémité est du plateau, la plus abîmée, a été intégrée à la forêt domaniale de Vauclair. (…) Un arboretum protège aujourd’hui les ruines de Craonne et le sol encore défoncé par les obus. »

Martine Becker, Paysages militaires et tourisme en France, thèse dactylographiée, Université de Paris IV, [2003], 2 vol., p. 490.

 

 

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Un intérêt renouvelé pour les paysages

 

« Un intérêt renouvelé pour les paysages pousse les visiteurs à élargir leur champ d’exploration. Alors que pendant longtemps les pratiques touristiques ont eu tendance à se concentrer sur quelques sites jugés exceptionnels, les visiteurs aujourd’hui investissent les paysages « quotidiens ». La randonnée est devenue l’occasion d’appréhender les paysages de manière beaucoup plus fine et sensible qu’en voiture et de s’intéresser à la botanique comme aux plus modestes témoignages de l’histoire.

Cette tendance générale se vérifie également sur les champs de bataille, où se multiplient les sentiers thématiques et où la (re)découverte des paysages de la guerre est l’un des axes principaux des aménagements récents ou en cours. (…)

 

L’aménagement du Chemin des Dames est un excellent exemple de cette évolution récente dont on peut retrouver l’équivalent dans le « pays d’Ancre » autour de l’Historial de Péronne, ou sur le champ de bataille de Verdun où se sont ouverts des circuits forestiers mêlant découverte floristique et historique. »

Ibid., p. 489.

 

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