L'Aisne, une rivière stratégique

L'Aisne, une rivière stratétique

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« Le plat pays qui prolonge la mer du Nord comme une évidence naturelle, se heurte quand on se dirige vers Paris, à une série d’obstacles que la toponymie locale a élevée au rang de montagnes comme la montagne de Laon, alors que les altitudes restent modestes. Ces hérissements tranchant avec le relief en creux des vallées et vallons ont servi au fil du temps de refuges, bastions et retranchements. Les plateaux du Chemin des Dames coupés de rares couloirs comme celui de Vauxaillon et festonnés de reculées dominent l’Aisne par une série d’abrupts dont l’âpreté le dispute à la rigidité due à l’épaisseur des assises de calcaire. Forteresses naturelles, sentinelles avancées de l’Ile-de-France, leur possession permet de déboucher vers l’est sur la Meuse ou vers l’ouest sur Paris. C’est dire leur importance stratégique : « l’Aisne est avant tout le fossé de cette forteresse » (G. Hanoteaux). La rivière coule modestement au pied de ces murailles et n’a guère posé de problèmes de franchissement aux hommes : gués et couloirs s’y succèdent présidant aux sites de vallées et de carrefours comme Rethel, Soissons, Vic-sur-Aisne, voire Compiègne à la confluence avec l’Oise. La guerre de 1914-1918 allait donner à cette rivière paisible et aux reliefs qui la bordent une réputation sinistre. Des centaines de milliers d’hommes tombèrent sur ses marges en des combats acharnés. »

Robert Attal, « L’Aisne 1914-1918, une rivière stratégique » dans L’Aisne au fil de l’eau, Archives départementales de l’Aisne, 1995, p. 143.

 

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Participation de la marine nationale

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« Un aspect original de la guerre dans l’Aisne fut la participation de la marine nationale aux opérations. Quatre canonnières fluviales équipées chacune de quatre canons ainsi que d’un matériel torpilleur et mineur permettant de se frayer un passage au milieu des obstacles vinrent stationner en février 1916 au confluent de l’Aisne et de l’Oise. Les équipages rassemblaient 31 officiers et 200 quartiers-maîtres et marins. En mars 1916, elles s’installèrent près de Vic-sur-Aisne. Leurs canons de 140 bombardaient alors les hauteurs de Montécouvé, Trosly-Loire, Cuts, alors que ceux de 100 mm se limitaient à la zone Bonnemaison, Caisnes. En mars 1917, les canonnières pouvaient remonter jusqu’à l’écluse de Vauxrot, puis atteindre Venizel. Elles participèrent à leur manière à la bataille du Chemin des Dames en avril 1917, avec pour objectif le Moulin de Laffaux. En juillet 1917, elles quittaient l’Aisne pour le Nord de la France et la Belgique.»

Ibid., p. 149.

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L'eau, obstacle symbolique dans une guerre "minérale"

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« Ainsi l’Aisne dans cette première phase de la guerre n’a pu arrêter ni même freiner ou infléchir le rouleau compresseur allemand. La rivière malgré les efforts déployés a partout été franchie dans la foulée et déjà dans le passé, en 1870, les ancêtres des soldats allemands de 1914 n’avaient guère eu de difficultés à passer d’une rive à l’autre. La bataille qui s’ouvre après « le miracle de la Marne » porte le nom de la rivière Aisne mais la terre et la pierre y jouent le rôle principal, l’eau ne prenant place dans les phases successives de la bataille que comme élément secondaire. Ce sont les hauteurs qui bordent l’Aisne qui connaissent les combats les plus âpres. »

Ibid., p. 145.

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C'est partout le même scénario

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« C’est partout le même scénario : les hommes qui ont traversé l’Aisne sur des ponts de bateaux ou des passerelles s’élancent vers les pentes et sont décimés par la mitraille allemande. Ils tombent par pans entiers. Les consignes draconiennes de Joffre de repartir sans cesse à l’assaut se brisent contre l’organisation allemande et une topographie hostile. L’Aisne se rougit peu à peu du sang des hommes car les pertes sont effroyables : ainsi le 305e R.I. a perdu du 12 au 20 septembre [1914] face à Fontenoy 1436 hommes sur 2000.(…) Alors les Français, imitant les Allemands, fouissent la terre et renouent avec des habitudes préhistoriques : la guerre des tranchées va figer la guerre dans l’Aisne et revêtir la forme d’un goutte-à-goutte sanglant. »

Ibid., p. 146.

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La rivière, source de vie et d'échanges dans la guerre ?

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« En amont de Fontenoy, le front quitte la rivière  et s’infléchit vers le nord créant autour d’Osly-Courtil un véritable no-man’s land où une guerre étrange prend ses quartiers. On tend là un piège à renard pour piéger un ennemi, on recueille sur la rivière un déserteur, qui dérive sur une planche, on s’y désaltère ou s’y baigne et parfois même on fraternise car la frontière est floue au bord de l’eau. Mais ce dernier fait est rarement évoqué par les autorités françaises, sinon pour le dénoncer vigoureusement. La rivière devient ainsi pour de brefs moments source de vie et d’échanges et ne revêt pas ce tranchant, cette délimitation automatique qu’on lui attribue. »

Ibid., p. 146-148.

 

 

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