Une histoire de carotte, les débits de tabac dans l'Aisne

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Une histoire de carotte ! Les débits de tabac

La vente de tabac

C'est à Jean Nicot, ambassadeur de France au Portugal, où était cultivé le tabac pour ses vertus médicinales, que l'on doit son introduction en France en 1561. Pour soulager les migraines du fils de Catherine de Médicis, François II, Jean Nicot lui envoie des feuilles de tabac râpées.

Le tabac se nomme alors « petun », « herbe à la reine » ou encore « catherinaire », « herbe à Nicot », « plante sacrée », « herbe de tous les maux ». À cette époque, il est prisé ou bu en tisane et la vente en est exclusivement réservée aux apothicaires.

Certains s'opposent à sa consommation en l'associant au domaine de la sorcellerie. C’est ainsi que les papes Urbain II en 1590 et Urbain VIII en 1642 menacent d'excommunication les fumeurs de tabac.

Puis, en 1674, Colbert fait de la fabrication et de la vente du tabac un monopole royal. Les premières manufactures de tabac sont ainsi créées. Le monopole est supprimé lors de la révolution de 1789, mais rétabli par Napoléon Ier en 1810 avec la création d’une régie d'État.

Exception européenne, le monopole français sur la vente au détail du tabac subsiste encore de nos jours.

 

 

Les débits de tabac appelés aussi bureaux ou civettes

Le premier débit connu, « la civette », qui portait le nom d’un petit rongeur dont le musc était apprécié en parfumerie, remonte à 1716.

Ces commerces étaient parfois signalés par une statue de Turc fumant le chibouque, ou par une « carotte ».

 

  • L’enseigne des débits de tabac : la fameuse carotte rouge

La carotte est une enseigne rouge que l’on trouve en façade des débits de tabac. Il s’agit d’une obligation légale depuis 1906.
C’est une évocation de la vente du tabac telle qu’elle se faisait au XVIe siècle. En effet, le tabac était vendu en feuilles que l’on mâchait ou que l’on fumait. Ces feuilles n’étaient pas rassemblées en paquets, mais en petits rouleaux ficelés (qui devaient être râpés aux extrémités), ressemblant à des carottes.
Depuis, l’usage du tabac, désormais tassé dans des cigares ou des cigarettes, a changé, mais le symbole est resté.
L’inscription « TABAC » apposé en façade de l’établissement est aussi une obligation.

 

  • L’agencement intérieur du débit de tabac : le poste tabac

Le comptoir de vente des tabacs dit « poste tabac » doit directement être accessible et visible depuis le seuil de l'établissement. Derrière celui-ci doit se trouver des rayonnages contenant les principales marques de produits de tabac vendues à la clientèle et leurs prix.

Les produits du monopole (cigares, cigarettes, pot de tabac, etc.) sont à une hygrométrie et une température constantes. Les tabacs ne doivent pas être altérés par des odeurs qui pourraient les dénaturer.

La création (par adjudication), la fermeture, la translation (déplacement du lieu au sein d’une même commune) d’un débit de tabac sont réglementés. Par le réseau de vente mis en place par le monopole, chaque débit est assuré d’une clientèle. Les débits sont annexés aux activités principales d’un fonds de commerce (débits de boissons, dépôts de presse, etc.) et ne peuvent être situés dans des zones protégées définies par la réglementation (proximité d’une école, d’un lieu de culte, etc.).

Le débit de tabac doit posséder un stock minimum de tabac et être ouvert dans une amplitude horaire satisfaisante permettant l’approvisionnement de sa clientèle.

 

 

Les débitants de tabac

Il s’agit d’une profession réglementée. En effet, les débitants ne sont pas de simples commerçants ; ils sont des agents de l’administration chargés de la vente des produits de la Régie et, à ce titre, sont soigneusement recrutés et étroitement surveillés. Assez rémunérateur, le poste était souvent confié à d’anciens militaires, à leurs femmes ou à leurs veuves, à leurs enfants, à d’anciens fonctionnaires ou encore à des personnes ayant accomplies « dans un intérêt public des actes de courage ou de dévouement ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous le régime de Vichy, les candidats à la gérance de débit de tabac devaient fournir à l’administration une déclaration au titre de la loi du 13 août 1940 portant interdiction des associations secrètes indiquant ne pas appartenir à des sociétés maçonniques et une déclaration au titre de l’application de la loi du 27 juin 1941 portant statut des Juifs, mentionnant ne pas être « juif » au sens de la loi  du 2 juin 1941.

De nos jours, l'État (administration des Douanes et droits indirects) nomme les débitants de tabac, qualifiés de « préposés » de l'administration. Ceux-ci, après enquête de moralité fiscale et civile, vérification de leur capacité de financement et accomplissement d’un stage de formation, signent un traité de gérance d’une durée de neuf années, reprenant leurs droits et obligations.

Les débitants de tabac ont l’obligation de vendre les tabacs aux prix publiés au Journal officiel, et de ne pas les vendre à des mineurs de moins de dix-huit ans. Les débitants de tabac sont rémunérés au moyen d’une remise brute sur le prix de vente au détail des produits. Ils bénéficient d’un régime de retraite obligatoire mis en place par l’État et d’un régime de subvention propre.

À titre syndical, ceux-ci sont représentés par la Fédération nationale des débitants de tabac, déclinée en chambres syndicales départementales. La profession, dont le nombre de débits est en constante diminution, compte actuellement 26 800 débitants (contre 45 000 en 1945) dont 270 dans l’Aisne.