Le cheval du pauvre : les attelages de chiens au XIXe siècle

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Le département de l’Aisne n’a pas échappé aux vicissitudes des deux conflits mondiaux et les fonds d’archives de la préfecture ne sont pas aussi abondants qu’on le souhaiterait pour le XIXe siècle. Dès lors, la consultation des fonds communaux déposés aux Archives départementales de l’Aisne s’avère précieuse et comble en partie les lacunes.

 

Le document présenté, issu du fonds de la commune de Laon, peut paraitre négligeable d’un premier abord. Il traite pourtant d’un sujet largement oublié de nos jours : celui de l’utilisation des attelages de chiens durant le XIXe siècle.

 

Premier animal à avoir été domestiqué par l’homme il y a environ 20 000-40 000 ans, le chien a essentiellement été utilisé pour la garde ou la chasse, avant de devenir un animal de compagnie à part entière. Son utilisation comme animal de trait est quant à elle plus récente. Si quelques sources antiques et médiévales témoignent d’utilisations opportunistes, c’est essentiellement à partir du XVe siècle que l’usage se répand, au gré des évolutions économiques, pour atteindre son paroxysme au XIXe siècle.

 

L’utilisation des voitures à chiens, peu couteuses et faciles à entretenir, est alors souvent le fait des classes sociales les plus modestes. Elles servent au transport des marchandises (pain, viande, lait, légumes, etc.) ou des personnes à mobilité réduite (vieillards, infirmes). Son utilisation favorise également le développement de petits métiers (chiffonniers, colporteurs, cordonniers, etc.). Les chiens attelés étaient également utilisés par certains écoliers travaillant loin de chez eux.

 

Les attelages étaient très variés : bricolés avec des pièces de récupération ou confectionnés par un charron, avec deux ou quatre roues, tirés par un ou plusieurs chiens, souvent de forte corpulence, mais pas toujours. Ces derniers étaient harnachés comme des chevaux.

 

Cette utilisation des chiens comme animaux de trait n’est pas sans provoquer des débats au sein de la société. Les vétérinaires et sociétés de défense des animaux s’inquiètent du mauvais traitement subi par les chiens qui ne seraient pas physiquement adaptés à la traine et qui supporteraient des chargements déraisonnablement lourds. De plus, les attelages de chiens sont accusés d’effrayer les chevaux et de provoquer des accidents. La réalité économique freine toutefois l’interdiction pure et simple de l’attelage des chiens en France.

 

En 1897, chaque préfet décide de l’autorisation ou de l’interdiction dans son département : 59 en autorisent encore l’usage. Le préfet de l’Aisne opte de son côté pour une solution intermédiaire en autorisant l’attelage de chiens aux nécessiteux, infirmes et travailleurs « utiles », sur demande.

 

Il faudra attendre 1925 pour que le Code de la route interdise les attelages de chiens sur les routes. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale et la prolifération des véhicules motorisés que la pratique disparaît définitivement.