Le château de Fère-en-Tardenois

59 J 38

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Le château de Fère-en-Tardenois, dont on peut encore admirer les ruines, fut bâti à partir de 1206 par Robert II de Dreux, seigneur de Fère. Cependant, un premier site fortifié existait déjà sur ce site depuis le milieu du Xe siècle, comme en atteste le chroniqueur Flodoard dans ses écrits.

 

À son retour de croisade, Robert II entreprend de grands travaux aboutissant au château que l’on connaît actuellement. L’ensemble se compose d’une enceinte polygonale flanquée de sept grosses tours rondes qui ont la particularité d’offrir à leur base extérieure de véritables roues d’engrenage faisant ricocher les boulets des assiégeants. Le château est construit sur la pente légère d’un terrain surélevé. Coupant la pente, une énorme fosse ovale de vingt mètres de profondeur est entourée d’une contre escarpe. Le tout étant entièrement revêtu de pierres, et fermé d’un chemin de ronde défendu par une série d’échauguettes.

 

Le domaine passe dans la famille de Châtillon en 1276. Gaucher V de Châtillon est un proche du roi Philippe IV Le Bel dont il dirige les armées.

 

En 1395, le château est acheté aux Châtillon par Louis Ier d’Orléans, fils du roi Charles V. Mais celui-ci meurt assassiné en 1407 à l’instigation de son cousin Jean Ier de Bourgogne. C’est la terrible époque de la Guerre de Cent Ans.

 

En 1410, le château est modifié pour accueillir des armes à feu et de l’artillerie à poudre. De 1420 à 1424, des combats se déroulent aux alentours contre les Anglais. Alardin de Monzay, serviteur de Charles Ier d’Orléans, réussit à défendre avec succès le château lors d’un siège difficile mené par les troupes anglaises.

 

Le roi François Ier, héritier direct des Orléans et donc du château de Fère-en-Tardenois, l’offre en 1528 au baron Anne de Montmorency. Ce dernier décide de rénover le vieux château médiéval des comtes de Dreux afin d’en faire une demeure digne d’accueillir le roi. L'architecte Jean Goujon dirige la majeure partie des travaux menés jusqu’en 1539. Les logis sont entièrement rénovés et le caractère militaire de l’ancienne demeure est atténué : des archères sont murées et des fenêtres percées, la porte d’entrée est rhabillée à l’antique entre deux colonnes ornées de l’écu des Montmorency.

 

Dans le prolongement de ces travaux, Anne de Montmorency décide l’édification d’une galerie permettant la jonction avec l’avant-cour et dont les cinq arches enjambent le fossé du château : elle est construite entre 1555 à 1560 dans le style Renaissance. Cette galerie, toujours visible aujourd’hui, s’ouvre par une façade en arc de triomphe. Elle préfigure celle du château de Chenonceau, édifiée au-dessus du Cher par Bullant à partir de 1576 pour la reine Catherine de Médicis.

 

En 1632, Henri II de Montmorency, petit-fils d’Anne de Montmorency, est condamné à mort pour crime de lèse-majesté après avoir conspiré contre le roi Louis XIII. Tous ses biens, y compris le château de Fère-en-Tardenois dont il avait hérité, sont confisqués. Le domaine est alors cédé au prince de Conti Armand de Bourbon.

Progressivement, le château est laissé à l’abandon. Ses héritiers, et notamment Louis-Philippe d’Orléans, le futur Philippe-Égalité, en manque d’argent, font démolir en 1779 l’essentiel des bâtiments pour en vendre la toiture et les matériaux métalliques, dont ils récupèrent 16 400 livres.

 

Les créanciers de la famille d’Orléans s’emparent de ce qui reste du domaine et le mettent en vente en 1793 : le château passe alors entre des mains privées. Il est classé au titre des Monuments historiques en 1862. La basse-cour, qui se trouvait sur le plateau et dont les bâtiments sont reconstruits au XVIe siècle a l’exception de la tour, fut aménagée en château moderne vers 1863 et convertie en hostellerie.

 

Envahi par la végétation et oublié, le « vieux » château est racheté en 1971 par un industriel, Raymond de la Tramerye, qui entame à ses frais, avec l’aide de l’État et d’associations, les travaux de dégagement et de restauration. Sans héritier, il décide, en 1984, pour poursuivre son œuvre de préservation, de léguer le château au Conseil général de l’Aisne, aujourd’hui Conseil départemental.

 

Le plan présenté ici a été réalisé par l’arpenteur Guillaume Chevallier en 1646. Il provient du fonds Bernard Ancien, ancien président de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons de 1962 à 1984, et est conservé sous la référence 59 J 38. Sous le château composé des sept tours, apparaît distinctement la cour d’entrée avec sa fontaine et la porte de la galerie, puis la basse-cour avec ses maisons accolées, le tout jouxtant les nombreuses terres labourables.

 

Pour en savoir plus :

  • François Blary, Étude documentaire du Château de Fère-en-Tardenois, 2017.
  • André Hurtret, Le château de Fère-en-Tardenois, Paris, 1957.
  • Eugène Lefèvre-Pontalis, « Fère-en-Tardenois », in Congrès archéologique de France, 78e session, Reims, 1911, t. 1. Guide du Congrès, Paris/Caen, Société française d'archéologie, 1912, p. 263-267
  • Jean Mesqui, « Fère-en-Tardenois », in Île-de-France Gothique 2 : Les demeures seigneuriales, Paris, Picard, 1988, 404 p., p. 197-203.
  • Eugène Moreau-Nélaton, Histoire de Fère-en-Tardenois, Paris, H. Champion, 1911.