Au cœur de la commanderie hospitalière de Boncourt

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À l’instar des seigneuries laïques et ecclésiastiques sous l’Ancien Régime, les commanderies templières et hospitalières ont fortement marqué le territoire de leur empreinte. Au sein de l’ordre militaire de Saint-Jean de Jérusalem, la commanderie hospitalière de Boncourt, apparue au milieu du XIIe siècle, se constitue très rapidement un patrimoine foncier conséquent, fruit de nombreux achats et donations en sa faveur. Cette commanderie tire ainsi une grande part de ses revenus de la location et de la mise en culture de ses terres agricoles. Elle perçoit donc d’importants cens, loyers et redevances, en nature ou en argent, auxquels sont astreints ses tenanciers.

 

Afin de connaître d’un seul coup d’œil son patrimoine et déterminer la valeur de chaque propriété, le seigneur peut confectionner un terrier tenu sous forme de registre. Le terrier est alors élaboré, décrivant les terres possédées par la commanderie, énumérant les identités de tous les tenanciers qui les occupent ou les exploitent, et précisant pour chacune d’elle le montant annuel du cens à verser. Les premiers terriers sont apparus à la fin du Moyen Âge puis se sont généralisés durant les siècles suivants.

 

Dans le cas présent, Constantin-Louis Destourmel, désigné comme « seigneur commandeur de la commanderie de Boncourt » doit solliciter au préalable des lettres de papier terrier auprès de la Chancellerie royale. Ces lettres sont une commission autorisant un ou deux notaires, ici Jacques Ducrot et François Alexis Hennecart exerçant respectivement à Marle et Dizy-le-Gros, à recevoir les déclarations des tenanciers qui confessent leurs tenures. Ce fastidieux travail de déclaration, qui peut s’étaler sur plusieurs mois, est ici réalisé pendant deux ans, entre septembre 1757 et septembre 1759. Il s’achève donc près de quatre ans après l’obtention, en novembre 1755, des lettres de papier terrier. Le terrier constitue dès lors un document authentique, ce qui lui confère un caractère probatoire en cas de procédure judiciaire.

 

À la lecture du registre, on s’aperçoit que la commanderie possède des terres situées dans plusieurs localités : Aubigny, Beaurieux, Cerny, Chamouille, Craonnelle, Laon, Montcornet, Montloué, Sainte-Croix, Urcel, Verneuil et bien entendu à Boncourt. La déclaration des propriétés dans le terrier mentionne donc la maison de Boncourt, siège de la commanderie éponyme, signalant que l’enclos du château contient douze arpents et quarante-sept verges, mais ne donne guère plus de précisions. Le dessin réalisé dans ce même registre se révèle plus loquace puisqu’il représente le château, l’église paroissiale, des fermes et des bâtiments d’exploitation, des jardins à la française et des potagers, le tout ceint de murs.

 

Le procès-verbal d’adjudication du château[1], daté du 8 floréal an III (27 avril 1795), signale que le bâtiment comporte « un rez-de-chaussée et deux étages et grenier, au midy duquel sont deux tours tirant jour sur la cour commune, au nord dudit corps de logis un bâtiment servant de bucher et grenier ». à la lecture de ce procès-verbal dressé approximativement une quarantaine d’années après l’élaboration du terrier, nous remarquons la justesse du dessin exécuté vers 1759, tant dans la représentation de l’élévation du château que des éléments composant l’enclos seigneurial. Ce dessin offre donc l’image unique d’un bâtiment qui a depuis disparu, certainement au cours du XIXe siècle.

 

Ce registre terrier est donc un document administratif irremplaçable pour l’étude du monde rural, des prélèvements seigneuriaux et de la spécificité des terroirs sous l’Ancien Régime. Relié en cuir et orné de dessins d’arpentage parfois très précis, c’est aussi un document de prestige que le seigneur n’hésitait pas à montrer à ses visiteurs pour illustrer sa fortune.

 

 


[1]. Arch. dép. Aisne, Q 551, n° 3281 à 3285.