Un évêque réfractaire

L 1507
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En 1789, la Révolution française éclate. En plus de bouleverser les institutions, elle modifie aussi considérablement la société, notamment l’Église de France. De nombreux ecclésiastiques, à l’instar de l’évêque de Soissons, sont réfractaires à tous ces changements et réformes.

Dans sa séance du 16 octobre 1790, le directoire du district de Soissons répond à la lettre de Mgr Bourdeilles, évêque de Soissons, publiée la veille et dans laquelle il argumente son refus de prêter serment à la constitution civile du clergé. Le directoire prend ainsi les mesures qui s’imposent afin de lutter contre l’évêque réfractaire.

Le 12 juillet 1790, l’Assemblée constituante a voté la constitution civile du clergé. Ratifiée par le roi le 24 août, elle provoque une véritable scission au sein du clergé. L’Église catholique de France est réorganisée. Les limites des diocèses se calquent désormais sur celles des départements. Le nombre de diocèses passe ainsi de 134 à 83. Les paroisses sont quant à elles limitées aux communes. Si le clergé régulier est dissous, les évêques ne sont plus nommés par le pape, mais élus par l’assemblée des électeurs du département. Ils sont ensuite consacrés par le métropolitain ou par un évêque plus ancien d’un diocèse voisin. Les prêtres sont, quant à eux, élus par l’assemblée des électeurs du district et consacrés par l’évêque de leur diocèse. Avec des bénéfices réduits et payés par l’État, les ecclésiastiques deviennent ainsi de simples fonctionnaires.

Cette constitution civile du clergé coupe le lien qui existait entre l’Église de France et Rome, d’autant plus que le serment à la constitution française est obligatoire. Bien évidemment, de nombreuses protestations se font entendre, notamment celle de l’évêque de Soissons.

Le document présenté ici est un extrait du registre des délibérations du directoire du district de Soissons. Il fixe tout d’abord les actes contraires aux décrets.

  1. 1. En dehors de sa lettre publiée, ledit évêque a convoqué une assemblée de clercs de Soissons, sans en avoir obtenu l’autorisation, ce qui peut amener des troubles, d’autant « que cette assemblée est directement opposée aux décrets de l’assemblée nationale ».
  2. 2. Puis, il évoque la lettre rendue publique qui risque de « jetter dans l’erreur les bons citoyens ». L’évêque de Soissons avance des arguments notamment vis-à-vis de sa hiérarchie, de Jésus-Christ pour justifier son refus de prêter serment. Il essaie de convaincre le clergé et les fidèles, ce qui fâche le directoire.

Le dernier paragraphe donne les dispositions prises par le directoire à l’encontre de l’évêque. Toutes les lettres seront supprimées et les « bons citoyens qui en ont reçu seront tenu de les rapporter au greffe ». L‘objectif est de faire taire l’évêque. Il lui est ainsi interdit de publier, d’imprimer des lettres contraires aux décrets. On le censure afin qu’il ne puisse convaincre des curés ou des fidèles d’adhérer à ses idées, ce qui pourrait générer une révolte. Le directoire lui interdit également de réunir des assemblées et menace tous les ecclésiastiques réfractaires qui y assisteraient « d’être privé de leur traitement ». Par ailleurs, ces dispositions sont publiées et affichées afin d’informer la population des mesures prises à l’encontre de Mgr Bourdeilles.

La Révolution française est une période instable où les tensions sont constantes notamment entre l’Église et l’État. L’évêque de Soissons est déchu de son titre le 12 octobre 1790, ce qui est très rapide. Réfugié à Tournai, puis Bruxelles, il continue de combattre la constitution civile du clergé, condamnée par le pape Pie VI le 10 mars 1791, ce qui avive encore les tensions. Le document illustre bien le combat et les attaques entre une Église de France qui perd son lien avec Rome et le nouvel État qui se met en place.