Une affiche de Jacques Broche : la reconstitution de l’entrée d’Henri IV à Laon

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Une affiche de Jacques Broche : la reconstitution de l’entrée d’Henri IV à Laon

Depuis les années 1870 et jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la fête communale de la ville de Laon se tient chaque année aux alentours du 15 août. Cette fête annuelle se traduit par des animations, des défilés de régiments militaires et d’associations, des concerts et des bals ou des courses à l’hippodrome pour réjouir la population. Parfois, certaines fêtes coïncident avec un événement bien particulier : c’est ainsi qu’en 1923, la ville de Laon accueille le concours national de gymnastique.

La fête du 15 août 1925 offre une animation inédite puisqu’elle décide de commémorer et de faire revivre l’entrée d’Henri IV à Laon le 3 août 1594, après plusieurs mois de siège. En effet, la ville de Laon avait dès 1589 pris le parti de la Ligue, à la suite de l’assassinat du duc de Guise. En juin 1594, Henri IV lance le siège de Laon, bien décidé à faire rentrer la ville ligueuse dans le giron royal. Installé sur le promontoire de Saint-Vincent, il fait tirer ses canons sur la ville qui se rend finalement au début du mois août. Le 3 août 1594, la ville ouvre ses portes au roi, plus précisément la porte d’Ardon (ou porte Royer) qu’il franchit pour gagner rapidement la cathédrale et assister à une messe, montrant ainsi la fermeté de sa foi catholique.

La reconstitution du 15 août 1925 que la presse intitule « le cortège historique ; l’entrée d’Henri IV à Laon le 3 août 1594 » réunit ainsi 450 figurants qui défilent à pied ou sur des chars. Le cortège ne suit pas scrupuleusement le trajet emprunté 331 ans plus tôt par Henri IV, puisqu’il part du quartier de Vaux, monte sur le plateau pour faire le tour du champ Saint-Martin, rejoint la cathédrale puis franchit enfin la porte d’Ardon pour gagner la promenade de la Couloire. Les Tablettes de l’Aisne incitent les Laonnois à pavoiser et décorer les façades des maisons et magasins, les plus ornées étant récompensées. Une souscription publique est aussi organisée à cette occasion au profit de la caisse de secours des mutilés.

Dans les jours précédant les festivités, ont fleuri sur les murs des affiches représentant l’entrée d’Henri IV à Laon. Ces affiches sont l’œuvre du peintre et dessinateur Jacques Broche (1905-1991), fils de l’archiviste départemental Lucien Broche. Jacques Broche est notamment connu pour avoir illustré l’ouvrage de Charles Westercamp : Le Laonnois pittoresque.

Un exemplaire de cette affiche nous est heureusement parvenu, relié dans un volume des Tablettes de l’Aisne. Cette affiche très colorée, où dominent les couleurs violette et jaune, représente le bon roi Henri à cheval. Il semble trinquer de sa main droite qui porte un verre que vient de lui remplir une jeune femme tenant un broc, tandis qu’il tient fermement la bride de son cheval de l’autre main. Le roi est entouré par trois enfants plutôt souriants, dont l’un semble lui tendre un bouquet. Trois soldats, dont l’un tient une bannière fleurdelisée encadrent la scène. En arrière-plan, sur fond jaune, se devine la porte d’Ardon qu’il s’apprête à franchir.

À première vue, la population laonnoise semble se réjouir de l’arrivée du roi dans la ville de Laon puisqu’elle lui offre des présents : outre le verre et le bouquet, un panier de fruits semble lui être destiné. Mais est-ce un reflet de la réalité de ce troisième jour d’août 1594 ? En effet, Laon est une ville ligueuse qui a longtemps résisté à l’armée royale. C’est aussi une ville exsangue et longtemps exposée aux tirs de l’artillerie royale qui doit ouvrir ses portes au roi. En outre, Henri IV impose la population à une forte somme pour rembourser les frais de siège. Enfin, il ordonne aussi la destruction des paroisses Saint-Georges et Notre-Dame-au-Marché, situées à l’est du plateau pour y établir une citadelle qui sera dirigée non vers l’extérieur, mais vers l’intérieur de la ville en guise d’avertissement. Néanmoins, la population peut se réjouir de voir se profiler la fin du siège et des événements militaires.

Cette vision toute idyllique d’un roi chaleureusement accueilli par la population laonnoise ne reflète donc peut-être pas totalement la réalité du moment. Mais 331 ans après, dans cette période de l’entre-deux-guerres qui tentait d’oublier les combats de la Première Guerre mondiale, il était certainement judicieux de célébrer celui qui était entré dans l’histoire sous le surnom du « bon roi Henri ».