Un plan inédit du palais épiscopal de Laon en 1680

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Les archives notariales constituent la plus grande masse documentaire homogène conservée aux Archives départementales de l’Aisne : un peu plus de 4 kilomètres linéaires de documents. Le notaire est un officier public qui établit des actes auxquels les parties contractantes désirent donner un caractère d’authenticité et de validité devant une juridiction en cas de litige ou de conflit. Le notaire doit en assurer la conservation sous forme de « minutes » et en délivrer des copies appelées « grosses » ou « expéditions ».

Si les notaires sont attestés sur le territoire de l’actuel département de l’Aisne depuis le Moyen Âge, leurs minutes n’ont cependant pas été conservées avant le début du XVIe siècle. Très prisées des généalogistes, les archives notariales peuvent également intéresser d’autres thèmes de recherche comme l’histoire sociale ou économique, l’histoire d’une maison ou celle d’une localité.

L’historien de l’art et de l’architecture peut également y trouver d’utiles renseignements sur le patrimoine et sur les relations entre commanditaires et artistes. Les minutiers de notaires peuvent abriter plusieurs pièces relatives à la commande d’une œuvre : état descriptif d’un bâtiment méritant restauration, état des travaux à y effectuer, marché de travaux passé avec un entrepreneur ou un artiste, devis dressé par ces derniers ou procès-verbal d’adjudication de travaux.

Au sein du minutier de maître Claude Monseignat, notaire à Laon, une minute datée du 19 mai 1680 concerne un « devis des ouvrages de massonnerie, charpenterie couverture et serurerie » qu’il convient d’exécuter au palais épiscopal de Laon « pour son éminence monseigneur le cardinal », César d’Estrées.

Ce devis mentionne les importants travaux de réfection commandés par l’évêque de Laon pour son palais établi au nord de la cathédrale. Il s’agit tout d’abord « d’établir la façade de la grande sale du costé de la cour jusqu’au rez de chaussee de ladite cour ». Chaque pièce est précisément mesurée en pieds et le document prend soin de préciser les matériaux à utiliser : pierre dure, pierre de taille, lambris…. D’importantes précisions architecturales y sont portées : ainsi, « l’entrée de l’escalier sera ornée du costé de la cour de pilastres, architraves, frises et corniches d’ordre dorique », les poutres des planchers auront de 12 à 14 pouces d’épaisseur…

Si les devis passés devant notaires sont peu fréquents, les plans joints en pièces annexes sont encore plus rares. Par chance, ce devis est ici accompagné d’un plan du nouveau palais épiscopal. Les pièces du rez-de-chaussée (vestibule, cuisine, office…) et du premier étage (chambres et antichambres) sont dessinées avec leurs ouvertures respectives et nommées. Nous apprenons donc que la chambre de l’évêque est située au premier étage. Le rez-de-chaussée est dédié à l’accueil et aux cuisines et s’ouvre côté oriental sur le jardin et la chapelle médiévale. L’escalier est également dessiné et le devis précise qu’il sera réalisé en pierre de taille et « massonné avec bon mortier de chaux et sable ». Sa rampe y est esquissée par l’adjonction de points symbolisant les balustres.

Enfin, une règle comportant des dimensions en pieds (un pouce équivalent environ à 30 centimètres) est dessinée en bas du plan et donne ainsi l’échelle du plan.

Ce plan est signé au verso par trois maîtres artisans laonnois, l’architecte-voyer Innocent Bourgeois, le maçon Jean Hottin et le charpentier Nicolas Torlet. Le plan est probablement de la main d’Innocent Bourgeois qui a été architecte lors des travaux de réfection de la façade de l’hôtel-Dieu de Laon, chantier auquel a participé Jean Hottin. Ce sont donc des travaux similaires qui sont menés trois ans plus tard au palais épiscopal qui fait face à l’hôtel-Dieu puisque la façade doit être totalement reprise.

Le devis nous apprend enfin que l’ensemble des travaux monte à l’importante somme de 9 000 livres, ce qui indique un chantier de grande ampleur.

Les archives notariales constituent donc une source originale d’une grande précision. Ainsi, un marché de travaux ne sera jamais autant détaillé dans un registre de comptabilité que dans une minute de notaire qui a une valeur probante. L’histoire de l’art peut être éclairée grâce à ces sources inédites qui peuvent renseigner sur les travaux envisagés aux bâtiments, sur les matériaux utilisés ou sur les artistes et artisans employés. Quelques obstacles doivent cependant être pris en compte : le volume conséquent des minutiers, la dispersion de ce type de documents dans les liasses de minutes et enfin la paléographie à l’époque moderne.