Napoléon : encore et toujours !

Compte rendu de la cérémonie organisée à Laon le 18 brumaire de l’an X (Arch. com. Laon, E-dépôt 401 1 D 1).

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Napoléon : encore et toujours !

En cette année 2021, la France, mais aussi d’autres pays, commémorent le bicentenaire de la mort de Napoléon. En effet, le 5 mai 1821, à Sainte-Hélène, une île perdue au milieu de nulle part, « le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine » s’en est allé rejoindre les ombres des généraux français reçues par Ossian dans ses palais aériens.

Depuis ce jour, et plus encore depuis la publication en 1823 du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases, la légende de Napoléon s’est développée pour en faire aujourd’hui l’un des personnages les plus marquants de l’histoire mondiale. Il ne se passe pas un jour sans qu’il ne soit question de lui, de son action civile ou militaire, de sa gloire, de cette épopée durant laquelle la France ne fut jamais aussi grande. On ne saurait cependant passer sous silence la légende noire de Napoléon qui aujourd’hui se fait plus insistante et ternit, souvent à tort, son image.

Si les Archives départementales de l’Aisne conservent quelques lettres signées de Napoléon en 1814 alors qu’il livrait dans le département des combats épiques pour défendre son régime, d’autres documents évoquent le prestige qui entourait déjà le général Bonaparte dès sa prise de pouvoir au tournant du XIXe siècle. Un dessin de Lecointe, commis à la mairie de Laon, conservé dans un registre des délibérations de ladite commune, témoigne de l’aura qui entourait le Premier consul lors de la signature, le 1er octobre 1801, des préliminaires de paix entre la France et l’Angleterre.

Ce dessin, réalisé en novembre 1801, soit 2 ans après le coup d’État du 18 Brumaire, représente Bonaparte dans le costume rouge des consuls posant devant un autel de la patrie sur lequel sont gravés ces mots : « au pacificateur du monde ». Ne vient-il pas de mettre fin aux guerres incessantes qui dévastaient l’Europe depuis 1792 ? Il est coiffé d’une couronne de lauriers qui rappelle ses victoires dont certaines sont inscrites sur les pages d’un livre posé sur un faisceau de licteur, symbole de la République française, et une corne d’abondance : Arcole, Lodi, prise d’Égypte, Marengo, le tout éclairé par le soleil, celui-là même qui brillera à Austerlitz. On distingue à l’arrière-plan un caducée, symbole du commerce et de l’éloquence, un globe terrestre présentant une France agrandie de nouveaux territoires et peut-être un rameau d’olivier, symbole de la paix retrouvée. La liberté des mers, mentionnée sur l'autel de la patrie, et la reprise du commerce maritime sont illustrées à l’extrême gauche du dessin. Enfin, il est fait référence aux réformes dont il dote la France afin d’assurer un repos mérité à tous les Français : « il se prive pour nous du repos qu’il nous donne ».

Pour fêter dignement le deuxième anniversaire du 18 Brumaire, la municipalité laonnoise, sans toutefois son maire indisposé, et les autorités locales assistent à la célébration d’une fête organisée conformément à un arrêté pris le 15 du même mois. Le cortège, précédé « de la gendarmerie à cheval, de la compagnie des pompiers, des tambours et de la musique citoyenne, de la Garde nationale marchant sur deux lignes, ainsi que la compagnie des vétérans nationaux et les dragons du 16e régiment en garnison en cette ville », part de la mairie et se dirige vers la préfecture où les attendent les autorités administratives et judiciaires.

À 11 heures précises, le cortège prend la direction de la cathédrale. Dans la nef, un autel de la patrie est dressé, superbement décoré, portant une inscription « au pacificateur de l’Europe ». Sur l’autel trône, déjà, un buste de Bonaparte. Dès que les autorités sont en place, plusieurs morceaux de musique sont interprétés dont La bataille de Marengo en référence à celle que le Premier consul remporta le 14 juin 1800 et qui conforta son pouvoir.

Après un discours prononcé par le secrétaire général de la préfecture dans lequel il est notamment question de la paix dont la France allait jouir, ce dernier fait l’éloge de tous les « braves défenseurs de la patrie » qui ont permis cette félicité. Le discours est salué par de nombreux vivats : « Vive la République ! Vive Bonaparte ! ». L’assistance est en liesse et en communion avec le nouveau régime. À ce moment précis, une couronne de lauriers descend sur la tête du buste du Premier consul. Des chants patriotiques sont aussitôt entonnés et les fanfares rythment la fin de la cérémonie.

Le cortège retourne vers la préfecture au son du canon qui n’a cessé de tonner durant toute la cérémonie. À 16 heures, « une salve d’artillerie » annonce le début des festivités. Les danseurs évoluent jusque tard dans la nuit et des rafraichissements sont servis à la population venue en nombre pour participer à ce jour de liesse. Les maisons et les édifices publics de la ville sont illuminés de mille feux, ce qui renforce encore la réussite de l’évènement. Le temps clément et doux bénit cette journée commémorative et festive qui permet aux Laonnois, mais aussi à tous les Français, de manifester leur adhésion au gouvernement consulaire qui a donné la paix à l’Europe.