Les épidémies dans l’Aisne

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Au cours de son histoire, le département de l’Aisne est dévasté par de nombreuses guerres. Toutefois, il est un fléau qui ne l’a pas épargné à plusieurs reprises : celui des épidémies. On peut en citer quelques-unes.

 

Une épidémie de peste débute à Soissons au printemps 1668. Elle atteint Vailly-sur-Aisne et Bucy-le-Long en mai et juin. Puis, elle se propage vers Laon et ses environs et dure de mai à août, avec une pointe en plein été. Afin de limiter la progression de cette épidémie et de l’éradiquer, un conseil de santé est créé en mai. Il agit non seulement en matière de police (la désinfection systématique des maisons, les quarantaines séparées des malades et des suspects, le blocus des quartiers), mais il se préoccupe également du recrutement du personnel médical (chirurgiens, médecins, apothicaires) et de l’achat de médicaments et de nourriture. La fin de l’épidémie à Laon est officiellement célébrée par une procession et une messe en la cathédrale le 10 février 1669. On dénombre environ une centaine de morts pour la seule ville de Laon.

 

Face à la maladie, les médecins de l’Ancien Régime n’ont pas seulement recours à la saignée. Ils disposent aussi d’une pharmacopée importante à base de poudres minérales et de plantes. Le régime alimentaire joue également un rôle capital dans la guérison. Souvent sous-alimenté et mal nourri, le malade doit puiser des forces dans les bouillons de viande. Ainsi, le boucher est, plus que l’apothicaire, l’auxiliaire du médecin.

 

Un redoutable fléau fait son apparition à la fin du XVIIIe siècle. En novembre 1782, le curé de Cessières demande du secours pour ses paroissiens affligés de putridité (voir document présenté). Une partie du Laonnois est atteinte de la « petite vérole », nom alors populaire de la variole. Elle sévit notamment dans les villages de La Ferté-Chevresis et de Renansart à partir de mai 1783. De nombreux enfants en meurent.

 

À cette époque, le gouvernement est plus attentif aux questions de santé. Responsable de l’accroissement de la population dans sa généralité, l’intendant est assisté d’un « médecin des épidémies », par ailleurschargé de la formation des sages-femmes. Pour combattre les épidémies, il reçoit de Paris les moyens en médicaments : « …les remèdes de la boîte….envoyée par le gouvernement… ». Un système d’assistance médicale entièrement ou partiellement gratuit se met en place.

 

Certains malades sont inoculés par un célèbre inoculateur de Paris. L’inoculation, sorte de vaccination primitive, consiste à injecter préventivement dans un organisme sain du pus variolique recueilli chez un malade peu atteint. Pratiquée depuis longtemps en Orient, l’inoculation se répand d’abord en Angleterre vers 1675, puis dans toute l’Europe. En France, elle n’est autorisée qu’en 1764 et connaît dès lors une grande vogue, chez les nobles en particulier (en juin 1774, Louis XVI et ses frères se font inoculer). Quelquefois mortelle, cette pratique annonce l’engouement du XIXe siècle scientiste pour la médecine. Elle est abandonnée pour la vaccination jennérienne au début du XIXe siècle.

 

Le choléra est incontestablement la maladie épidémique la plus meurtrière du XIXe siècle. Originaire d’Inde, elle se manifeste en France à plusieurs reprises : 1832, 1849, 1853-1854, 1865-1866, 1873 et 1884.

L’épidémie de 1832 atteint la France à partir du 15 mars et dure jusqu’à la fin de l’automne. Dans l’Aisne, le premier cas apparaît le 5 avril à Chézy-sur-Marne et le 9 avril à Saint-Quentin. La commission sanitaire de la ville de Saint-Quentin décide de procéder à un arrosage d’eau chlorurée dans les rues de Saint-Quentin et à une inspection des « aliments exposés à la vente ». Le 11 avril, la commission fait distribuer des « bruleries de cendres autour de la ville ». Parmi ses recommandations, la commission préconise « d’être propre sur soi et dans son logement, de se nourrir principalement de viande et de soupe grasse, de boire de l’eau rougie, c’est-à-dire de l’eau à laquelle on aura ajouté un peu de bon vin naturel… ».

Le choléra frappe 464 communes du département (sur 837 à l’époque). Sur 513 000 habitants, plus de 30 000 personnes sont atteintes, parmi lesquelles 15 589 sont hospitalisées. Le nombre de décès s’élève à 6 786, soit 1,32 % de la population totale (0,81 % dans l’Oise et 2,34 % à Paris).

La commune de Saint-Erme est une des communes les plus touchées de l’Aisne : 104 décès sur 1 800 habitants. Des familles entières disparaissent en quelques jours.

 

Aux XIXe et XXe siècles, plusieurs épidémies de grippe voire trois graves pandémies sont à déplorer : la première appelée grippe espagnole en 1918-1919, la seconde en 1946-1947 et la troisième en 1950-1951. En France, la grippe espagnole débute en avril 1918, mais les cas s’aggravent et se multiplient en août suivant.

Le 25 octobre 1918, monsieur Martin, alors adjoint au maire de la ville de Laon, signale au ministre de la Guerre « l’encombrement des lits de l’Hôtel-Dieu par les malades et les évacués des communes environnantes ». De plus, la quasi absence de médecins capables de s’occuper de la population civile (un seul médecin dans toute la ville « fatigué et âgé ») oblige monsieur Martin à demander d’urgence la nomination d’un médecin pour l’hôtel-Dieu. D’octobre à décembre 1918, ainsi qu’en mars 1919, on dénombre mensuellement plus de 60 décès composés essentiellement de personnes jeunes et de femmes. Il s’agit là des pics de l’épidémie. Cette grande pandémie de grippe espagnole fait plus de 20 millions de morts dans le monde et s’éteint définitivement vers la fin mai 1919.