Le loup, l’ennemi de l’homme à travers l’histoire

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Au XVIIIe siècle, les loups commettent encore de graves méfaits dans le Soissonnais. Les documents présentés ici, extraits des registres paroissiaux des communes de Chaillevois, Montreuil-aux-Lions et Acy en témoignent.

 

« Le loup est l’ennemi commun » de l’homme, des chiens, des chasseurs, des villageois comme le dit si bien Jean de La Fontaine dans sa fable Le Loup et les bergers. Tout comme notre fabuliste, Alexandre Dumas fait intervenir le loup comme personnage humanisé dans ses œuvres, notamment dans son roman Le Meneur de loups publié en 1857 où le diable prend la forme d’un loup noir. Ces deux illustres écrivains ont bien connu les forêts du département de l’Aisne.

 

On trouve également la présence de ce redoutable animal sur les tympans des cathédrales de Laon et de Soissons en la forme d’une tête de loup qui est interprétée pour figurer les monstres et autres créatures diaboliques. Certaines rues ou lieux-dits témoignent de la présence du loup, telles la « rue aux Loups » ou « ruelle aux Loups » relevées notamment dans plusieurs communes de la Thiérache, mais encore la « Fontaine des loups », le « Buisson des loups », la « rue de la Fosse aux loups » sans oublier entre autres les communes de Monceau-lès-Leups, de Pisseleux (rattachée depuis 1971 à la commune de Villers-Cotterêts).

 

La lutte contre le prédateur est instituée à partir du XIIIe siècle. On voit ainsi apparaître les premiers sergents louvetiers, puis les premières primes. Des autorisations de chasse aux loups sont également délivrées comme celles que reçoivent les paysans frontaliers des forêts du Laonnois en 1265. En 1520, François 1er crée la Louveterie, une institution destinée à lutter contre les loups et dont les responsables sont entretenus aux frais du royaume. Fin XVIe-début XVIIe siècle, alors que le royaume regorge de loups, la monarchie s’efforce de rétablir un minimum de sécurité en organisant des battues auxquelles doivent participer, sous peine d’amende, les paysans. À la fin des guerres de Religion, on signale partout des attaques de loups, notamment dans le Laonnois.

 

En 1618, c’est un nommé Louvet qui est louvetier de la généralité de Soissons. En 1670, il s’agit de Jean Pradel à qui chaque chef de ménage, dans un rayon de deux lieues de l’endroit où les bêtes sont tuées, lui doit 2 deniers obole par loup et 5 par louve. En 1670 et 1671, le louvetier Adrien Devin tue 18 louves et 2 loups. En 1672, le gouverneur de la louveterie royale du château de Villers-Cotterêts se nomme Jean de Mazincourt, seigneur de Vivières.

 

En 1755, une battue commune est organisée officiellement. Le rassemblement des habitants des villages se fait à Acy où ces derniers doivent se munir de fourches, baïonnettes et autres instruments en fer, sous peine de 50 livres d’amende. Néanmoins, aucun loup n’est capturé alors qu’il en existe au moins un qui réapparaît en 1758. En effet, dans le registre paroissial de la commune d’Acy, on trouve un acte de sépulture du 24 juin 1758 qui fait mention de l’inhumation « d’un cadavre féminin sans tête ny bras gauche qui a été reconnu être celuy de Marguerite Robinette âgée d’environ huit ans, laquelle avait été dévorée par un loup » (voir document n° 3).

 

Par ailleurs, la déclaration royale de 1736, consacrée à l’enregistrement des baptêmes, mariages et sépultures autorise les curés à effectuer un commentaire lorsque les circonstances de la mort sont exceptionnelles. C’est le cas du document n° 1.

 

En 1781, le paiement par les intendants, d’une récompense à ceux qui détruisent les animaux malfaisants se généralise. Mais des abus apparaissent et l’intendant de Soissons exige la présence d’une attestation signifiant que le loup tué l’a bien été dans le ressort de la généralité, la tête de l’animal devra être jointe à la demande de paiement.

 

En août 1804, Napoléon Bonaparte décide de rétablir la Louveterie supprimée en 1787. En 1807, Alexandre Méchin, préfet de l’Aisne, fait connaître à ses administrés le montant des primes à payer pour la destruction des loups, fixées par le ministre de l’Intérieur : 18 francs pour la destruction d’une louve pleine, 15 francs pour celle d’une louve non pleine, 12 francs pour celle d’un loup et 3 francs pour celle d’un louveteau. La personne qui détruit l’animal doit se présenter chez le maire de sa commune qui lui établit un certificat. Ce certificat, avec la tête de l’animal, est envoyé au sous-préfet de l’arrondissement qui délivre un mandat du montant de la prime. La dernière circulaire ministérielle règlementant la destruction des loups en France est prise en 1882. Quant aux lieutenants de louveterie, ils ne disparaîtront qu’en 1979 pour laisser place aux « conseillers cynégétiques ».

 

 

Bibliographie :

 

Jean-Marc MORICEAU, Histoire du méchant loup, Paris, Fayard, 2007, 623 p.

Jean-Marc MORICEAU, L’Homme contre le loup, Paris, Fayard, 2011, 479 p.

Henry LUGUET, « La Chasse aux loups dans le Soissonnais », Mémoires de la Fédération des sociétés savantes du département de l’Aisne, Chauny, 1954, p. 48 à 52

Jérôme BURIDANT, Les Loups dans l’actuel département de l’Aisne XVe-XIXe siècles, [S.l.], [s.n.], 1988, 21 p.

« Les Loups autrefois », Bulletin du service éducatif des Archives départementales de l’Aisne, n° 39, [Laon] : [Archives départementales de l’Aisne], 1985, 12 p.

 

 

Transcription de l’acte de sépulture du 19 août 1710 à Chaillevois coté 1 E 172/1 (orthographe modernisée)

 

« Mort _ ce 19e jour d’Août est décédé Pierre Carbonneau, pâtre de ce lieu, étant mort de la rage causée par la morsure d’un loup enragé, en se défendant contre pour sauver et revenger sa proie qu’il voulait offenser, enfin après s’être bien défendu contre ce loup enragé jusqu’à l’avoir pris entre ses bras et l’avoir terrassé à grand coup de bâton, il le fit mourir ; et en ayant été mordu à la main qu’il dégagea de la gueule du loup avec le bout de son bâton, il en devint enragé avant les quarante jours expirés, et mourut le quatrième jour de la rage après avoir été confessé dans son bon sens, et fut enterré le lendemain dans le cimetière de cette paroisse en présence de sa femme et des paroissiens par moi, curé soussigné ces mêmes jour et an que susdits. »

 

 

Transcription de l’acte de sépulture du 11 août 1713 à Montreuil-aux-Lions coté 1 E 638/1 (orthographe modernisée)

 

« L’an Mil Sept Cent treize et le onze août est décédée Marie Cottray ma paroissienne âgée de quatre ans, laquelle ayant été prise et emportée par un loup ; une partie de son corps a été trouvé le lendemain sur le terroir de Bézu, lequel j’ai inhumé cejourd’hui treizième du présent mois dans le cimetière de ma paroisse du consentement de Monsieur Cheron curé dudit Bézu et Potel procureur fiscal dudit lieu, en présence de Jacques et Martin Cottray  en foy de quoi ai signé. »

 

 

Transcription de l’acte de sépulture du 24 juin 1758 à Acy coté E-dépôt 0003 GG3 (orthographe modernisée)

 

« L’an mil sept cent cinquante et huit le samedi vingt quatrième jour du mois de juin en vertu de certaine ordonnance rendue du jour d’hier par le lieutenant de la justice d’Acy a été inhumée dans le cimetière de cette église un cadavre féminin sans tête ni bras gauche qui a été reconnu pour être celui de Marguerite Robinette âgée d’environ huit ans laquelle avait  été dévorée par un loup, fille de Médard Robinette vigneron et de Marie [Deletre] sa femme. L’enterrement fut fait en présence du père et de Pierre Lambin greffier de ladite justice qui ont signeé avec nous. 

 

Médard Robinette                       Durivage

Pierre Lambin »