Laon libérée… deux fois

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Le document présenté ce mois-ci est de petit format. Il fait environ un quart de page A4. Il n’est pas très joli, car il est rédigé d’une écriture rapide, sur un papier de mauvaise qualité, puis collé sur une feuille qui a jauni.

 

Pourtant, c’est une pièce de première importance dans l’histoire de la ville de Laon. C’est aussi un document d’importance historique pour la Première Guerre mondiale. Il s’agit en effet d’un billet signé par les premiers soldats français pénétrant dans la ville depuis le 1er septembre 1914.

 

Les soldats en question sont le lieutenant Doureillet et le sous-lieutenant Lapreté de la 2e compagnie du 25e bataillon de chasseurs à pied. Cette unité constitue la pointe gauche de la Xe armée commandée par le général Mangin. Le 13 octobre, cette unité a l’ordre de contourner Laon par l’ouest, puis de marcher vers le nord en direction d’Aulnois-sous-Laon et de Barenton-Bugny. Dans le même temps, le 355e RI progresse par l’est de la butte de Laon vers Athies-sous-Laon et Monceau-le-Vaast. Ces deux unités ont reçu l’ordre explicite d’ignorer le chef-lieu du département de l’Aisne.

 

Pourtant, en milieu de matinée, les deux officiers pénètrent dans la ville et déclenchent une liesse populaire comme Laon n’en a plus connue depuis des années. Accueillis en sauveurs par la population laonnoise, ils sont conduits à l’hôtel de ville où le document présenté ici formalise le retour à Laon de la République française. Doureillet et Lapreté ressortent de la mairie peu après 11 heures et retournent vers leur unité sous les vivats de la foule.

 

Peu après 14 heures, une escouade du 355e RI se présente du côté de la porte d’Ardon. Ils trouvent une ville en train de fêter sa libération. Accueillis en héros, elle est aussi conduite à l’hôtel de ville. Arrivés devant Michaux, qui fait fonction de maire depuis le 11 octobre 1918 à la suite de l’enlèvement du sénateur-maire Georges Ermant, pris en otage par les Allemands, les hommes du 355e RI ne peuvent que constater qu’ils viennent de libérer une ville… qui est déjà libre !

 

Au milieu de l’après-midi, le général Mangin en personne se présente au pied de la butte de Laon. La route rendue inutilisable par les tirs d’artillerie des jours précédents, le contraint à gravir la montagne couronnée à pied. Arrivé au sommet, il prend enfin possession de cette ville, dont la cathédrale lui occasionnait rêves et cauchemars depuis le triste 16 avril 1917. Le 13 octobre 1918, 545 jours après l’offensive Nivelle, Mangin réalise enfin la promesse de la bataille du Chemin des Dames.

 

La ville voit ensuite défiler les plus hauts personnages de l’État. Le 16 octobre, le président Poincaré vient se réjouir du retour de Laon au sein de la France. Quelques jours plus tard, c’est Clemenceau qui s’adresse aux Laonnois.

 

Laon devient ainsi le symbole d’une nation en marche vers la victoire. Une marche lente car il faut 71 jours à l’armée française pour couvrir la trentaine de kilomètres entre Soissons et Laon et encore 25 jours pour atteindre Vervins, et libérer Georges Ermant.