La on défile

La on défile, 8°1505
La on défile, 8°1505
La on défile, 8°1505

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Loin de ne conserver que des documents manuscrits ou tapuscrits, les Archives départementales de l’Aisne disposent également d’une bibliothèque comprenant des ouvrages imprimés et édités ainsi que de la presse. Même si la majeure partie des ouvrages conservés concerne l’histoire du département, on peut aussi y trouver des livres bien plus originaux ou surprenants à l’image de cette pièce de théâtre, proche du surréalisme.

 

Apparue au cours du XIXe siècle sur la scène parisienne, la « revue locale » est un genre dérivé du vaudeville mêlant textes et numéros musicaux dédiés, comme son nom l’indique, à la vie locale d’une cité. La ville de Laon n’a pas été épargnée par ce phénomène, comme le montre ce document, intitulé malicieusement La on défile, les jeux de mots plus ou moins inspirés étant l’une des caractéristiques de ce style théâtral.

 

Jouée au Théâtre de Laon durant les mois de mars et avril 1906, cette revue en deux actes et dix tableaux présentée par la société des Amis Réunis et écrite par Charles Westercamp met en scène la statue du maréchal Sérurier, se trouvant à l’époque devant l’hôtel de ville, qui décide de descendre de son socle afin de découvrir Laon et ses habitants. Ce point de départ est l’occasion de suivre des scènes de la vie laonnoise du début du XXe siècle à un rythme effréné, car les tirades fusent et les chansons sont fort nombreuses. La pièce compte une cinquantaine de personnages des plus variés, allant des plus classiques tels que Le Pompier, Le Délégué de Laon ou bien encore Le Paysan, aux plus fantaisistes et originaux comme La Porte d'Ardon, Le Tramway, L'Escalier de la Gare et même L'Artichaut, La Betterave et L'Asperge."

 

Rendant hommage à la ville tout en se moquant gentiment de ses travers, cette pièce était avant tout destinée aux Laonnois, beaucoup de références ne pouvant être comprises que par un public local. De nombreux éléments nous plongent également dans un passé révolu : le tramway de Laon a cessé de fonctionner en 1971, la statue du maréchal Sérurier a été détruite durant la Seconde Guerre mondiale et même le théâtre où la pièce a été représentée n’existe plus depuis les années 1960. Le texte  forme ainsi un « instantané » de la vie à Laon durant la Belle Époque, dans une version bien plus animée que les livres d’histoire : le langage y est bien plus léger, voire un peu fleuri.

 

Outre son texte, la revue apporte d’autres informations intéressantes telles que le nom des acteurs, du chef d’orchestre, des musiciens et même les circonstances de sa publication. On y apprend que la pièce n’était pas censée être éditée, et que si elle l’a été c’est à la demande de l’entourage de Charles Westercamp. Les revues locales étaient représentées sur une durée assez restreinte pour coller d’assez près à l’actualité, leur empêchant d’être rejouées facilement : il est donc assez rare que leurs textes bénéficient d’une véritable publication. Cela rend cet ouvrage d’autant plus précieux.

 

Notons que cet exemplaire a été offert, daté et dédicacé par l’auteur spécifiquement pour les Archives départementales de l’Aisne : il fait ainsi partie des collections depuis déjà plus d’un siècle. Ce n’est toutefois pas l’unique ouvrage de Charles Westercamp qui y est conservé. L’auteur est en effet, surtout connu comme historien local, à l’origine de nombreuses publications sur Laon et sa région. Son œuvre maîtresse s’intitule d’ailleurs Le Laonnois pittoresque (dont un exemplaire est conservé aux Archives départementales de l’Aisne sous la cote 8°1512). Comme l’auteur l’indique dans son introduction, La on défile est donc un ouvrage moins sérieux, dont le but est avant tout de divertir les Laonnois, mais qui rend toutefois un hommage des plus sincère à la ville de Laon et à ses habitants.