La guerre de Jean Massenet : les mémoires d’un Axonais

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C’est dans ce carnet que l’ancien combattant Jean Massenet décide de nous livrer ses souvenirs de guerre. Il y consigne des descriptions parfois détaillées des combats ou des paysages et y confie ses relations avec la hiérarchie militaire. Jean Massenet nous présente un parcours atypique d’un poilu qui combattit aussi bien dans les plaines françaises que dans les montagnes macédoniennes.

 

Né le 17 novembre 1879 à Quivières[1], Jean Massenet habite à Tavaux-et-Pontséricourt à la veille de la Première Guerre mondiale. Il est ainsi mobilisé au sein du 15e régiment territorial dès le 2 août 1914. À 35 ans, il ne doit normalement pas participer à des actions armées, mais être affecté à des missions de travaux divers ou de surveillance aux frontières. Pourtant, dans les faits, les hécatombes du début de la guerre poussent l’armée française à puiser dans ces unités pour combler les pertes.

 

Dès août 1914, Jean Massenet est ainsi envoyé dans les environs de Verdun puis il intègre le 330e régiment d’infanterie (RI). Le 18 août 1914, il reçoit son baptême du feu dont il nous livre ses impressions.  Mais, le 25 octobre, il est déjà retiré du front à la suite d’une fièvre typhoïde. Sa convalescence à Monte-Carlo lui permet de rencontrer la princesse Charlotte Grimaldi de Monaco.

 

Le 10 mai 1915, il est transféré, d’après ses écrits, au 329e RI avec lequel il participe à la bataille de l’Artois. Après l’échec de cette tentative, il est envoyé à Saint-Dié dans les Vosges, puis participe à la seconde bataille de Champagne qui débute le 22 septembre. Après 23 jours de combat, Jean Massenet est gazé et légèrement blessé. Il est alors évacue à Gap, dans les Hautes-Alpes, où il récupère durant 5 mois.

 

Le 31 mars 1916, après un court passage au 24e régiment territorial, il part avec le 303e RI pour l’enfer de Verdun où les Allemands attaquent depuis février. Il est affecté au secteur de Rouvrois-sur-Meuse au début du mois de mai. C’est probablement en s’y rendant, que Jean Massenet est frappé par un shrapnel dans le village de « Croix-sur-Meuse[2] » le 1er mai 1916.

 

Un an plus tard, le30 mai 1917, il est envoyé dans les Balkans au sein de l’armée d’Orient. Quittant Marseille, il rejoint l’Italie en train puis débarque en Grèce d’où il gagne l’Albanie avec le 40e RI. Il faut en effet renforcer la région de Monastir (Macédoine) prise en novembre 1916. Malgré cette victoire, les Alliés n’ont pas pu déloger les troupes germano-bulgares qui, depuis les montagnes, bombardent quotidiennement la ville de Bitola.

 

En juillet 1918, il est finalement transféré au 2e régiment du génie et part pour Salonique. Le carnet de Jean Massenet ne se clôture pas avec la fin de la guerre, mais avec des essais poétiques et des anecdotes plus ponctuelles. Toutefois, si son récit semble inachevé, il laisse supposer qu’une suite existe. Mais a-t-elle survécu au temps ? Et si oui, où est-elle conservée ?

 

Le registre matricule militaire apporte cependant quelques éclaircissements sur la fin de la guerre de Jean Massenet. Ainsi, il est démobilisé le 25 mars 1919 et retourne à Laon. Il est définitivement reformé le 13 juin 1922 à la suite d’un accident de travail au cours duquel il perd deux phalanges.

 

Les mémoires de Jean Massenet sont intéressants à plus d’un titre. Il nous narre une expérience de guerre peu valorisée par l’historiographie de la Grande Guerre : les opérations dans les Balkans. De plus, il est d’une grande précision dans son récit et décrit avec force les conditions de vie des soldats, les patrouilles, les voyages en train ou encore ses rapports avec ses supérieurs pour lesquels il développe progressivement de la rancœur.

 

Pourtant, bien que provenant probablement de notes prises sur le terrain, Jean Massenet nous présente ses mémoires et non son carnet de guerre, c’est-à-dire un récit postérieur, destiné à être lu. Ce type de document peut pousser l’auteur à introduire des modifications dans le contenu afin de rendre le texte plus présentable. Certains n’hésitent pas à ajouter des éléments afin de « grandir » leur rôle. Ainsi, on remarque que Jean Massenet se pose souvent en figure héroïque, relayant parfois ses camarades au second plan.

 

De plus, en comparant le registre matricule militaire avec son récit, des contradictions apparaissent. Ainsi, Jean Massenet évoque sa mutation au 329e RI, élément inexistant dans sa fiche matricule. C’est également le cas pour les blessures reçues lors de la même période. A-t-il volontairement inventé ce transfert pour faire croire à sa participation à de célèbres offensives ? Il est, en effet, peu probable que les autorités militaires aient oublié une telle affectation dans un document aussi important.

 

Déployé sur plusieurs théâtres d’opération, Jean Massenet nous offre donc un récit inédit permettant de suivre le parcours d’un Axonais durant la Première Guerre mondiale. Toutefois, une grande prudence est de mise en abordant ce type de document. L’auteur peut effectivement, volontairement ou non, déformer son récit qu’il convient alors de confronter à d’autres sources.

 



[1]. Quivières est située dans le département de la Somme.

[2]. Jean orthographie mal cette localité qui porte en réalité le nom de Lacroix-sur-Meuse.