L’abbaye de Prémontré fête ses 900 ans

Vue générale de l'abbaye de Prémontré (Arch. dép. Aisne, 6 Fi 258).

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Lorsqu’il naît vers 1080, dans ce qui deviendra les Pays-Bas, Norbert de Xanten n’a aucune idée du destin qui l’attend. Préparé au sacerdoce dès l’âge de 9 ans, celui dont le cousin n’est autre que l’empereur du Saint-Empire romain germanique profite d’une vie de faste et de plaisirs. Alors qu’il traverse une plaine à cheval par temps d’orage, Norbert chute. Il a alors une vision qui l’incite à véhiculer la parole de la vie éternelle à travers l’Occident. Dès lors, il renonce à ses biens et change radicalement de vie. Le pape Gélase II lui accorde le droit de prêcher. Lors de ses nombreux voyages, il rencontre en 1119 Hugues de Fosses qui deviendra le premier abbé de Prémontré. Une amitié et un respect lient désormais les deux hommes.

Afin d’installer son abbaye, Norbert rencontre l’évêque de Laon, Barthélemy de Joux, qui lui propose d’abord de réformer l’actuelle abbaye Saint-Martin de Laon ou celle de Foigny. Mais l’ancien chapelain recherche un lieu de solitude, un désert, dans lequel tout est à construire. Barthélemy de Joux lui propose alors le site de Prémontré. Ce site, en forêt de Voas, accueille alors une chapelle, dédiée à saint Jean-Baptiste, rattachée à l’abbaye bénédictine Saint-Vincent de Laon. Norbert de Xanten passe la nuit en prière dans la chapelle avant d’accepter d’installer son monastère à Prémontré.

Les religieux de l’ordre vivent en communauté tout en respectant le ministère sacerdotal. En tant que chanoine, Norbert de Xanten opte pour la règle de saint Augustin, alors que les moines suivent celle de saint Benoît.

Rapidement, l’ordre de Prémontré connaît une fulgurante expansion, comme le prouvent les 14 abbayes prémontrées construites dans l’Aisne ou les 600 abbayes prémontrées dénombrées en Europe à la fin du XIIe siècle.

Les richesses foncières s’accumulent, principalement lors des XIIe et XIIIe siècles. Les dons affluent et renforcent la stabilité de l’ordre. Propriétés foncières, vignes, bâtiments, terres, jusqu’aux êtres humains, tout ce qui peut apporter aux hommes le salut de leurs âmes est donné en aumône aux abbayes de l’ordre de Prémontré.

Les XVIe et XVIIe siècles sont ceux les plus sombres dans la vie de l’ordre. Les guerres de Religion, puis la guerre de Trente Ans et la guerre franco-espagnole provoquent de nombreux dégâts aux abbayes axonaises, dont certaines tombent en ruine. Si des restaurations sont entreprises à l’abbaye de Prémontré au XVIIIe siècle, sous l’abbatiat de Lucas de Muin, la Révolution française marque la disparition définitive de l’ordre des Prémontrés. Ses biens sont confisqués et ses propriétés vendues comme biens nationaux afin de renflouer les caisses de l’État.

C’est ainsi que l’abbaye mère est mise en vente, avec l’obligation pour l’acquéreur de créer une fabrique de salpêtre, une fabrique de potasse et une verrerie. Achetée en 1802 par Augustin Deviolaine, elle devient une verrerie qui produit dans un premier temps des bouteilles de champagne puis du verre à vitre, du verre coloré et enfin des cloches de jardin.

En 1855, la verrerie, devenue propriété de la Manufacture des glaces de Saint-Gobain, est rachetée par monseigneur de Garsignies qui y installe un orphelinat pour les enfants pauvres et abandonnés du nord de la France. 125 enfants seulement sont reçus à l’orphelinat sur les 3 000 ambitionnés par l’évêque de Laon et de Soissons. Lorsqu’il meurt en 1860, l’importance des dettes forcent son successeur à vendre le domaine en 1862 au département de l’Aisne.

Ce dernier y fait établir un asile d’aliénés qui devient un hôpital psychiatrique en 1937. Modernisé après la guerre, l’hôpital devient en 1991 l’établissement public de santé mentale que l’on connaît de nos jours.

En 900 ans, l’abbaye de Prémontré a donc connu plusieurs vies. Celle qui doit sa renommée à la volonté d’un seul homme continue de briller aujourd’hui par sa remarquable architecture [1].

 


[1]. Pour approfondir vos connaissances, venez découvrir l’exposition Prémontré : 900 ans, la présence de l’ordre dans l’Aisne visible aux Archives départementales de l’Aisne jusqu’au 31 janvier 2022.