« Château Gaillard », le château féodal des comtes de Soissons

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L’édifice était situé sur l’actuelle place de l’hôtel de ville, à l’angle nord-est de la fortification urbaine des Romains datant du IIIe siècle où se trouvait précédemment un castrum. La date précise de la construction du château initial reste inconnue à ce jour. L’Histoire nous apprend qu’en 1057, le roi Henri Ier mit fin à une rébellion en venant assiéger le château et que le comte Renaud et son fils ne survécurent pas à l’événement. C’est à leur successeur, le comte Guillaume Busac, que l’on attribue sa reconstruction vers 1060.

Certains historiens supposent que le nom de château Gaillard a été donné par un des comtes de Soissons, Guillaume d’Eu, frère du duc de Normandie, en souvenir de celui qu’il possédait dans cette même région. D’autres prétendent que cela n’est que pure coïncidence et que dans beaucoup de régions se trouve un « château Gaillard ». Le mot « Gaillard » étant synonyme de fort, vaillant et hardi, il était d’usage courant à l’époque.

Le château se compose de deux parties différentes. Tout d’abord, une enceinte quadrangulaire épaulée de trois tours sur chaque côté. Puis, dans cette enceinte mesurant 166 mètres sur 160, se trouvait la tour des Comtes (carré massif de 25 mètres sur 21) cantonnée par cinq tours carrées. Selon le chroniqueur soissonnais Cabaret, le donjon central était de style roman (datant du XIIe siècle) tandis que la grande enceinte, dont les tours faisaient 8 mètres de diamètre et 33 mètres d’élévation, datait du comte Enguerrand VII de Coucy (XIVe siècle).

L’entrée du château se trouvait au sud. C’est de ce côté qu’en 1184, le comte Raoul et sa femme fondèrent une chapelle consacrant le lieu de la première sépulture des saints Crépin et Crépinien. Cette chapelle connue sous le nom de Saint-Crépin-le-Petit fut annexée ensuite à l’abbaye Saint-Léger.
Une des tours du donjon possédait également une chapelle domestique placée sous l’invocation de Saint-Prince, évêque de Soissons et frère de Saint-Rémi. Les prébendes de cette chapelle furent ensuite données à l’abbaye Saint-Léger.

En 1305, le comte Hugues trouve un accord avec le maire et les bourgeois de la ville pour fermer la ruelle entre son château et l’abbaye Saint-Léger. Par ailleurs, celui-ci est le dernier représentant masculin de la dynastie soissonnaise. Sa disparition en 1306 ouvre une ère de désertion du lieu. Ce n’est qu’au XIVe siècle qu’Enguerrand VII de Coucy entrepris des travaux d’agrandissement du château.

Sous Henri IV, le château devient le siège du Gouvernement militaire de la province de l’Ile de France. Cependant, la présence des gouverneurs à Soissons reste rare. Ceux-ci doivent gîte au roi lors de ses passages ; Louis XIII et Louis XIV en firent plusieurs. Ce dernier avait trouvé les locaux en mauvais état en 1640 et avait ordonné qu’on y fasse des réfections.
C’est le constat qu’avait déjà fait François Ier en 1536 lorsqu’il signe le présent acte pour effectuer des réparations. En effet, il alloue la somme de 181 livres, 17 sols et 11 deniers tournois à Jean Goret, le receveur de la ville. Cependant, le document ne précise pas quel type de réparations doit être effectué.

A la fin du XVIIe siècle, les menaces de guerre s’étant éloignées, le château et les fortifications perdent de leur importance. Les trois tours tournées vers la place de l’hôtel de ville disparaissent les premières. Puis, en 1688, le duc d’Estrées fait abattre la courtine du côté de la rivière.
En 1727, les autorités locales songent à de nouveaux embellissements lors de l’évocation de la tenue d’un congrès « européen » sur la paix. Celui-ci a lieu de juin 1728 à mai 1729. Une rue est créée entre le château et l’abbaye Saint-Léger et un bras de l’Aisne est comblé entre le château et le Mail. Le château fait aussi l’objet de gros travaux d’entretien. Par la suite, une des tours est démolie pour ouvrir l’accès au Mail. Lors de ces travaux, une grande quantité de squelettes et de cercueils est extraite.
Lorsque Louis d’Orléans obtient du roi l’érection en apanage de ses domaines du duché de Valois en 1751, c’est à Soissons qu’il installe son administration et le dépôt de ses archives. Deux salles du donjon hébergent également, à partir de 1770, l’Académie de Soissons et sa bibliothèque.

Cependant, le personnage le plus important de la ville et représentant du roi à cette époque est l’Intendant. Celui-ci réside alors rue de Panleu (dans les locaux de l’actuelle sous-préfecture) mais les lieux ne correspondent plus à l’importance de sa position.  Des pourparlers s’engagent alors et en 1771, un arrêt du Conseil acte la cession au roi par le duc d’Orléans du château et de ses dépendances pour y construire le palais de l’Intendance. La vente est conclue moyennant 30 000 livres et les travaux s’échelonnent sur trois années. Le démantèlement du château est laborieux, l’épaisseur des murailles implique alors l’usage de la poudre à canon pour les détruire. De ce fait, il ne reste aujourd’hui plus aucune trace du château des comtes de Soissons.

Ce document fait partie des rares témoignages écrits qui nous sont parvenus sur le château de Soissons. Il a été acheté par les Archives départementales de l’Aisne en 2021 et a intégré la série J qui regroupe l’ensemble des documents entrés par voie extraordinaire.