Archiviste du département pendant 41 ans, de 1849 à 1889, Auguste Matton a réussi à structurer un service créé à la Révolution. Il accomplit un important travail de classement et d’historien encore très apprécié aujourd’hui.
Natif du département de l’Aisne, dans lequel une partie de sa famille est implantée depuis plusieurs générations, il consacre toute son énergie à collecter et classer les archives du département. Il contribue parallèlement à faire connaitre son histoire par la publication de nombreuses études.
Auguste Raymond Amédée Matton est le fils du couple Philippe-Joseph Matton et Henriette-Joseph Adélaïde Godart. Ses parents se sont mariés le 15 décembre 1809 à Cartignies, dans le département du Nord.
Il est le dernier né d’une fratrie de cinq garçons dont deux meurent jeunes. Outre Philippe-Joseph-Marcelin, l’aîné, naissent successivement à Etreux trois autres garçons : Joseph-Casimir le 15 mars 1811 (il décède le 6 avril de la même année), Louis-Joseph-Marcellin Casimir le 5 mars 1812 et Antoine Joseph Casimir le 17 décembre 1813 (il décède le 24 décembre suivant). Quant à Auguste Matton, il est né à Iron le 18 août 1819. Par sa famille maternelle, il est cousin de Camille Desmoulins. En effet, la sœur de son grand-père, Marie-Marguerite Godart, épouse en 1759 Jean-Benoît Nicolas Desmoulins. C’est de cette union que nait le célèbre révolutionnaire.
Auguste n’a alors que 13 ans lorsque sa mère décède le 19 août 1832 à l’âge de 46 ans. Sa jeunesse n’est guère connue par les archives. Nous savons qu’il part à Paris rejoindre son frère aîné, Philippe-Joseph-Marcellin, certainement au milieu des années 1830. Dans la capitale, il rencontre des survivants de la Révolution mais également des membres de la famille de Lucile Duplessis, veuve de Camille Desmoulins.
Cette proximité avec d’anciens révolutionnaires et ses liens familiaux avec la branche maternelle de Camille Desmoulins expliquent son intérêt pour l’histoire de Guise, ville natale du Révolutionnaire. Il consacrera une grande partie de son existence à la rédaction d’une volumineuse monographie de cette cité qui fait encore autorité. Son frère aîné, également passionné par ce lien de parenté, fait également œuvre d’historien en publiant sous le nom de Matton Aîné la correspondance de Camille Desmoulins.
Tout comme son frère aîné, Auguste Matton suit une carrière juridique puisqu’il est licencié en droit. Il suit également avec assiduité, pendant deux ans, les cours de l’Ecole des Chartes qui forme les futurs archivistes-paléographes.
Lorsque son père décède le 15 juillet 1845 à Flavigny-le-Petit, Auguste Matton demeure encore à Paris. La succession laisse entrevoir un important patrimoine, ce qui explique l’aisance dont bénéficiait la famille, ainsi que les études qu’on pu suivre les deux frères aînés.
Le 23 mars 1848, Auguste Matton est nommé à la tête des Archives départementales de l’Aisne. Le précédent archiviste du département semble avoir été un certain Emile Caron, professeur de philosophie, nommé à ce poste par le préfet le 13 septembre 1841.
La nomination de Matton n’est approuvée par le ministre de l’Intérieur que le 1 mars 1851. Son dossier de nomination précise qu’il est alors « avocat à la Cour royale de Paris ». Un rapport d’inspection de juillet 1855 précise qu’ « La combinaison de cet enseignement et de celui de l’Ecole des Chartes lui est donc profitable pour occuper ces nouvelles fonctions à l’âge de 29 ans.
Son traitement annuel est de 1500 francs jusque 1852, puis 1700 francs jusque 1856, et enfin 2200 francs à partir de 1857. Il reçoit une indemnité de 10 francs par jour pour frais de déplacement lorsqu’il inspecte les archives communales et hospitalières. Il ne bénéficie pas de logement. Il n’est pas en charge de la bibliothèque administrative de la préfecture mais centralise à la préfecture tout ce qui concerne les archives. Un rapport d’inspection des archives dressé le 20 août 1855 à la suite de la visite de Francis Wey, est assez élogieux puisqu’il est désigné « »pour accomplir ses fonctions. Il forme à l’archivistique son commis adjoint Emile-Victor Dessein qui classera plus tard les archives anciennes de Laon.
Ce même rapport est beaucoup moins dithyrambique en ce qui concerne les locaux alors établis au sein de l’ancienne abbaye Saint-Jean devenue Préfecture. Ils sont décrits comme non entretenus et délabrés. Une nouvelle inspection en 1857 informe le ministre de l’Intérieur que la ». Mais le préfet s’engage à faire déménager la bibliothèque de la ville qui occupe les mêmes locaux afin que les archives bénéficient d’un plus grand espace. La bibliothèque déménage au début des années 1860. En 1863, des aménagements sont apportés au local.
Les rapports successifs reconnaissent cependant le travail de qualité d’Auguste Matton. En 1857, on loue ses travaux suivis « » et les classements et l’inventaire sommaire sont poursuivis avec succès. A cette date, il a déjà classé les fonds des bailliages royaux de Ribemont et de Marle et celui de l’Intendance de Soissons. Francis Wey estime qu’« ».
Pendant ses 41 ans d’activité, Auguste Matton s’efforce non seulement de classer les fonds entrés depuis longtemps dans ses locaux de l’ancienne abbaye Saint-Jean, mais également de faire venir des fonds conservés encore ailleurs. Ainsi, entre 1869 et 1872, il tente de faire venir les fonds de l’officialité de Laon, du duché-pairie de Laon et quelques titres de fabrique alors conservés au tribunal de Laon et inventoriés par son président Amédée Combier. Le caractère obligatoire de versement d’archives d’Ancien Régime au chef-lieu de département s’oppose parfois aux volontés de certaines administrations de conserver leurs fonds anciens. Un cas similaire avec des archives conservées au greffe du tribunal de Château-Thierry amène le ministre de la Justice et garde des sceaux à autoriser en 1872 le procureur général d’Amiens à faire remettre à Auguste Matton ces précieux documents.
Le classement des fonds anciens constitue l’une de ses plus notables réalisation. Une importante correspondance conservée aux Archives Nationales permet de mieux comprendre sa méthode de travail. En effet, il correspond très régulièrement avec le ministère de l’Intérieur qui lui distille des conseils et lui envoie souvent les instructions réglementaires. De même, il envoie fréquemment, et pour validation, ses analyses qui sont ensuite compilées dans les Inventaires sommaires des archives antérieures à 1790.
En 1872, un nouveau rapport s’inscrit dans la continuité des précédents. A cette époque, Auguste Matton touche une rémunération de 3701 francs. Cette forte hausse s’explique par ses frais de tournées dans les archives communales.
L’analyse des archives anciennes donne lieu à la publication de 4 volumes d’inventaires sommaires parus entre 1874 et 1889. Il est également l’auteur des inventaires des hôpitaux et hôtel-Dieu de Soissons et Marle, et laisse sous forme manuscrite un inventaire des pièces du fonds de l’hôtel-Dieu de Laon.
Outre ses fonctions d’archiviste, il s’implique fortement dans les sociétés d’histoire locale.
Au sein de la Société académique de Laon, il est présent à la réunion fondatrice du 30 décembre 1850. Il y est membre titulaire jusqu’en 1868 puis en devient membre correspondant jusqu’au mois de janvier 1904.
On note également sa présence comme membre correspondant des sociétés académiques de Saint-Quentin et archéologique et historique de Soissons. Il est enfin membre correspondant du Comité des arts, de l’histoire et de la langue. Profitant de sa position et s’appuyant sur les archives dont il a la responsabilité, il publie diverses études dont certaines font encore autorité.
En récompense de ses services effectués, Auguste Matton se voit nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret du 19 avril 1884 et sur proposition du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Côté familial, il épouse le 11 juillet 1853 à Laon Auguste-Louise Ameslant, née à Laon le 29 mars 1834. Elle est la petite nièce d’un préfet éphémère de l’Aisne, Antoine-Charles Philippe Mennesson, entre mars et novembre 1848.
De leur union nait un seul enfant, René-Auguste, né à Laon le 3 septembre 1854. Auguste-Louise décède peu après le mariage de son fils, le 2 octobre 1888 à Reims. Quant à René-Auguste, il décède dans sa maison rue Vinchon à Laon le 4 juillet 1919.
Agé de 70 ans, Auguste Matton quitte le service des archives en 1889 laissant à son successeur, Joseph Souchon, le soin de poursuivre son œuvre. Il vit au n° 1 de l’impasse du Cloître à Laon où il passe ses dernières années. Il décède à cette adresse le 10 octobre 1905 à l’âge de 86 ans.
Sa mort donne lieu à des notices nécrologiques assez élogieuses, non seulement dans le Bulletin de la Société académique de Laon, mais également dans la presse locale.