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Etat général des fonds
Hôtel-Dieu de Château-Thierry
- Hôtel-Dieu de Château-Thierry
Titre du fonds : Hôtel-Dieu de Château-Thierry | Importance matérielle (ml) : 41 |
Cotes extrêmes : H-dépôt 19 A1-Z9 / 2177 W 1-2 | Liens : ![]() |
CONTEXTE
Histoire administrative
Histoire de la ville de Château-Thierry
L’histoire de l’hôtel-Dieu de Château-Thierry est intimement liée à celle de la ville et à son développement au fil des siècles.
La Champagne se divise en quatre sous régions :
- La Brie champenoise, qui comprend notamment des villages isolés comme...
Histoire de la ville de Château-Thierry
L’histoire de l’hôtel-Dieu de Château-Thierry est intimement liée à celle de la ville et à son développement au fil des siècles.
La Champagne se divise en quatre sous régions :
- La Brie champenoise, qui comprend notamment des villages isolés comme Monthubert, Montlevon, Montigny, Montchevret, Montbazin ou Montfaucon ;
- L’Orxois entre la Marne et l’Ourcq ;
- A l’Est de l’Orxois, le Tardenois qui comprend la forêt de Fère et la forêt de Ris ;
- La vallée de la Marne.
Château-Thierry se situe au cœur de cette dernière. C’est une ville de l'ancienne Brie pouilleuse, située sur la Marne, à 80 km au Sud de Laon, 100 km au Nord-Est de Paris et 60 km de Reims. Elle dépendait autrefois de l'intendance et diocèse de Soissons, elle était chef-lieu de bailliage et élection. Aujourd'hui, elle est chef-lieu d'arrondissement et de canton et appartient au même diocèse de Soissons.
En 1790, la ville devient chef-lieu de district. Pendant la période de la Terreur, son nom fut changé en Château-Égalité puis Égalité-sur-Marne. En 1800, elle devient chef-lieu d'un arrondissement supprimé en 1926 puis restauré en 1942.
Topographie
La ville doit son origine à un château-fort bâti sur un monticule sablonneux qui s'élève au Nord de celle-ci, au lieu dénommé les Chesneaux, et dont l'enceinte de murailles est encore visible aujourd’hui.
L’enceinte urbaine est construite durant le règne de Thibaud II (1102-1150). Son tracé suivait probablement la rue du Château, la Grande rue et la rue Jean de La Fontaine. Sous Thibaud IV de Champagne, entre 1220 et 1236, une nouvelle enceinte plus ample est édifiée et constitue un espace de plus de 20 hectares.
La ville s’organise autour de plusieurs quartiers. Le centre-ville est constitué de quatre sous-quartiers : la Madeleine à l'Ouest ; le Faubourg de La Barre au Nord-Est ; la vieille ville au Sud du château, qui correspond à la zone incluse dans les anciens remparts de la ville ; et les Garats au Sud-Est. Il s’agit du cœur historique de la ville.
Le quartier Saint-Crépin est un quartier de tanneurs connu dès le XIIe siècle. Il est composé d’artisans et connait une extension hors du bourg fortifié, en raison des contraintes et désagréments du travail du cuir. Ce quartier, situé en périphérie de la ville, fait partie des secteurs les mieux documentés de Château-Thierry.
Le quartier d’Outre-Marne, situé dans une zone marécageuse et inondable, connait un essor économique à partir du XVIIIe siècle lors des aménagements du cours de la rivière.
Le quartier Saint-Martin est situé à l’Ouest de Saint-Crépin et le quartier des Chesneaux au Nord-Est de la ville. Ce dernier est principalement constitué des Chesneaux et de la Charité et est en partie installé sur les coteaux de la vallée.
Le développement économiqueL’extension urbaine de la cité est indissociable de la dimension économique et de son développement. Dès la seconde moitié du XIIe siècle, la présence d’un pont est attestée. Un double péage est alors mis en place, pour la traversée terrestre et la circulation fluviale.
Ce pont, élément de franchissement et de contrôle de la rivière, permet d’accroitre l’activité économique de la ville, notamment grâce aux importantes foires de Champagne qui se déroulent à cette époque. Celles-ci permettent d’augmenter et de diversifier les échanges commerciaux. Le succès de ces foires résulte de leur situation géographique, entre les Flandres et l'Italie au croisement de nombreuses routes et voies navigables, de la gestion éclairée des comtes de Champagne et de la sécurité particulière dont bénéficiaient les marchands. Elles se tenaient dans les villes de Lagny-sur-Marne (une fois par an), Provins (deux fois par an), Troyes (deux fois par an) et Bar-sur-Aube (une fois par an).
Dès la fin du XIIe siècle, des moulins existent aussi sur la rivière. Cependant, le développement de ports aux alentours de la ville n’est documenté que tardivement (pour la première fois en 1347-1348).
A Château-Thierry, les marchés sont localisés à deux emplacements distincts, un à Saint-Crépin en relation avec le cuir situé dans une halle au Sud sur le côté de l’église, et l’autre au fort Saint-Jacques. Une seconde halle était connue au XVe siècle, celle aux grains qui se situait face à l’église Saint-Crépin.
L’importance de la communauté juive de la ville contribue également au développement de l’urbanisation, de la vie économique et de la vie intellectuelle. Cette communauté est attestée dès le XIe siècle, principalement dans le quartier Saint-Crépin.
Au XIXe siècle, l’apparition d’un nouveau mode de transport, le chemin de fer avec la ligne Paris-Strasbourg, amorce une extension de la ville et l’augmentation de sa population.
Les activités économiques de la ville emploient de nombreux ouvriers. Ces activités, aujourd’hui disparues ou réduites, consistaient en une industrie textile, fabriques de chaussures, d’instruments de musique, industries alimentaires, ateliers de réparation ferroviaire, etc.
Une vie politique mouvementée
Au Xe siècle, la forteresse de Château-Thierry est la possession d'Herbert II, comte de Vermandois.
Lors du partage de son héritage en 946, son fils aîné Herbert III dit le Vieux, comte de Troyes et de Meaux, reçoit l’abbaye Saint-Médard de Soissons et la forteresse de Château-Thierry avec le comté d’Omois. Il s’agit d’un site stratégique, bien plus qu’un point d’appui militaire. En effet, il est le siège de fonctions administratives, défensives, résidentielles et religieuses.
Dès 1022, Château-Thierry est rattaché au domaine des comtes de Blois et de Champagne.
Le mariage de Philippe IV avec Jeanne de Navarre en 1285 marque le commencement d’une nouvelle ère dans l’histoire du bourg. Une charte de commune est accordée aux habitants en 1301 et l’hôtel-Dieu y est fondé par la reine en 1304, en complément des maisons-Dieu et maladrerie déjà existantes.
Le comté de Champagne fusionne définitivement avec la couronne de France par le traité de Villeneuve-lès-Avignon signé le 14 mars 1336. Les deux régions de Champagne et de Brie, peu éloignées de Paris, assurent la protection de la frontière orientale du royaume de France.
Philippe VI de Valois donne alors la seigneurie de Château-Thierry à Jeanne d’Evreux, veuve de Charles IV le Bel. Elle et sa fille Blanche conservent la seigneurie sous le règne de Jean II le Bon (1350-1364) et celui de Charles V le Sage (1364-1380). A la mort de Jeanne d’Evreux, le 4 mars 1370, la seigneurie de Château-Thierry revient à Blanche de France, femme de Philippe d’Orléans.
A partir de cette période, les rois de France font des séjours assez fréquents dans cette ville, comme lors de la convocation d’une assemblée des grands du royaume en 1303 pour aviser des moyens de terminer la guerre des Flandres. Charles VII, qui revient de son sacre à Reims, s’y arrête et y délivre des lettres-patentes exemptant les villages de Domrémy et Gueux de toutes tailles, aides et subventions.
Lorsque la guerre de Cent Ans débute, le conflit amène de nombreuses destructions dans la cité. Les Anglais attaquent une première fois la ville en 1392, sans succès. Elle est finalement prise par les Anglais et les Bourguignons (dirigés par le sire de Chatillon) en 1421. Cette prise est celle qui provoque le plus de ravages. S’ensuit alors une période de troubles liée à l’instabilité du pouvoir.
En 1429, la ville se rend à Jeanne d'Arc sans combattre.
Château-Thierry est prise, saccagée et pillée à plusieurs reprises au fil des siècles. En 1544 par Charles Quint, en 1591 par le duc de Mayenne et les ligueurs (elle se soumet finalement au roi Henri IV en 1594), en 1614 par l'armée des princes et en 1652 par les troupes lorraines. Elle souffre également des conflits liés aux guerres de Religion.
En 1566, Château-Thierry est érigée en duché en faveur du duc d’Alençon, frère du roi Henri III. Par échange, ce duché est attribué en 1651 à Frédéric Maurice de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon qui doit abandonner au roi ses principautés souveraines de Sedan et Raucourt.
Jusqu'à la Révolution française, elle appartient à la Champagne.
Les instances judiciaires
Une maitrise des Eaux et Forêts est attestée depuis 1219, de même qu’un grenier à sel en 1342 et une élection en 1372. Il a donc fallu trouver un, voire plusieurs lieux, pour les accueillir. Une charte de Charles VIII datée de 1493 nous indique que l’auditoire pour la tenue des plaids et juridictions se situait dans le faubourg Saint-Crépin, face à l’église.
A l’époque moderne, de nombreuses instances judiciaires se développent. En 1551, la prévôté royale perd une grande partie de ses prérogatives au profit d’un bailliage royal et siège présidial. En conséquence, des hôtels particuliers de magistrats sont édifiés dans la rue du Château, des Cordeliers (dont la maison natale de Jean de La Fontaine) ou encore dans la rue Saint-Martin.Vie religieuse
La ville médiévale compte trois paroisses : Notre-Dame, dans le château pour la ville intra-muros, Saint-Martin, pour les hameaux et les fermes environnantes, et Saint-Crépin, pour les quartiers extérieurs aux remparts.
Sous l’influence du comte Thibaud II, une communauté de chanoines séculiers est initialement implantée sur le château au début du XIIe siècle. Elle est remplacée en 1133 par une communauté régulière de l’ordre de Prémontré. Dès 1140, elle est déplacée vers le nord de la ville pour y fonder l’abbaye du Val-Secret. Ne subsiste alors qu’une minuscule paroisse implantée au château.
La paroisse Saint-Martin, la plus ancienne, englobe le village Saint-Martin ainsi que les hameaux et le faubourg de La Barre. Un religieux de l’abbaye d’Essômes en est le prieur-curé.
La paroisse Saint-Crépin enfin regroupe le quartier Saint-Crépin, le bourg sous enceinte et le quartier d’Outre-Marne et possède deux curés titulaires.
Parallèlement, on assiste à la création de communautés religieuses urbaines, comme celle des Cordeliers intra-muros (fondée en 1487 par Antoine, le bâtard de Bourgogne) ou la maison de La Barre extra-muros (fondée vers 1236 par la transformation de la maison-Dieu en abbaye de femmes de l’ordre de Saint-Augustin).
Il existe plusieurs chapelles dans la ville dont Sainte-Madeleine, fondée à la fin du XIIIe siècle. Mentionnée dans une charte de la commune en 1301, la chapelle de la Madeleine fut sans doute reconstruite en 1306 par Philippe IV le Bel en mémoire de son épouse défunte, Jeanne de Navarre.
Le pouillé du diocèse de Soissons de 1572 mentionne deux chapelles de la Madeleine : la Grande et la Petite. L’une des deux, peut-être la Petite, se trouvait sans doute dans l’église Saint-Crépin. Elle est fermée à la Révolution puis transformée en maison de détention en 1825. Elle devient ensuite une école primaire avant d’abriter la bibliothèque municipale dans les années 1920. Ses murs sont aujourd’hui occupés par l’école municipale de musique.
Quelques autres chapelles ont aujourd’hui disparu, comme celles de Saint-Nicolas (fondée en 1336) et Toussaints, chapelles jumelles situées à l’entrée du port sur la rive gauche de la Marne, ou celle de Notre-Dame du Bourg, fondée en 1391 dans la Grande Rue.
Après la Réforme catholique, le comte de Saint-Pol attire l’ordre des Minimes qu’il installe à proximité de Saint-Crépin, sur l’emplacement de l’ancienne halle au cuir, en 1607. Le même Saint-Pol facilite en 1623 l’installation des Capucins dans le faubourg d’Outre-Marne. Quatorze ans après, un couvent de la Congrégation Notre-Dame s’installe dans le même quartier. Puis, les frères de l’ordre de Saint-Jean-de-Dieu fondent une Charité sur le site de la léproserie médiévale en 1654.
A la période révolutionnaire, les églises Notre-Dame et Saint-Martin sont rasées, seule subsiste Saint-Crépin. Les chapelles subissent le même sort à l’exception de la Madeleine. L’abbaye de La Barre, supprimée avant la Révolution, est également démolie.
Une ville au cœur des conflits
Le 12 février 1814, Château-Thierry est le théâtre d'une importante bataille entre les armées de Napoléon et celles de l’Europe coalisée. Celles-ci, contraintes de s'éloigner, ne le font qu'après avoir pillé la ville.
Les armées russes et prussiennes qui ont été repoussées par Napoléon à Montmirail, effectuent leur retraite vers le nord. Elles tentent d'empêcher les troupes françaises de franchir le pont sur la Marne. Les combats se déroulent dans les rues de la ville, les Russes et les Prussiens sont repoussés vers Soissons. Au matin du 13 février, Napoléon établit son logement à l'auberge de la poste qu'il quitte dans la nuit.
Un siècle plus tard, en 1918, Château-Thierry a été l'un des points clés durant les batailles de la Première Guerre mondiale, opposant les troupes américaines et françaises aux troupes allemandes. Le 1er juin 1918, durant la troisième bataille de l'Aisne, la 10e division d'infanterie coloniale et la 2e division d'infanterie américaine arrêtent l'offensive allemande.
Le front de 1918 a été matérialisé par les bornes Vauthier. Le peintre officiel des armées françaises, François Flameng, y a réalisé de nombreux croquis et dessins sur ces douloureux événements qui ont été publiés dans la revue L'Illustration.
La ville a aussi été le théâtre de combats lors de la bataille de France (1940) durant la Seconde Guerre mondiale. Le pont principal de Château-Thierry a été défendu par les hommes de l'aspirant de Rougé. L’ancien pont a été détruit et un nouveau pont construit à la place porte son nom.
Personnage illustreParmi les personnages illustres de la ville, on retiendra bien évidemment le fabuliste Jean de La Fontaine. Il est né le 8 juillet 1621, mort le 13 août 1695, et enterré dans le cimetière Saint-Joseph à Paris puis transféré en 1817 avec Molière au cimetière du Père-Lachaise. Fils de Charles de La Fontaine, maître des Eaux et Forêts et capitaine des chasses du duché de Château-Thierry, et de Françoise Pidoux, il passe ses premières années dans l'hôtel particulier que ses parents ont acheté en 1617 après leur mariage. En 1647, son père lui organise un mariage de complaisance avec Marie Héricart (1633-1709) à la Ferté-Milon. Cette dernière est la fille de Louis Héricart, lieutenant civil et criminel du bailliage de La Ferté-Milon, et d’Agnès Petit de Heurtebise.
A la mort de son père en 1658, Jean de La Fontaine hérite de sa charge de maître des Eaux et Forêts et de la maison. La même année, lui et sa femme demandent une séparation de biens. En 1676, en raison de difficultés financières, il est obligé de vendre la maison familiale à son cousin Antoine Pintrel. Celle-ci abrite aujourd’hui le musée Jean de La Fontaine.
Les établissements hospitaliers à Château-ThierryLes maisons-Dieu
Au XIIIe siècle, la ville de Château-Thierry compte trois établissements hospitaliers. Un acte de 1223 de Thibaud IV de Champagne mentionne deux maisons-Dieu et une léproserie à Château-Thierry. Thibaud IV, fils de Blanche de Navarre et filleul de Philippe Auguste, est comte de Champagne (1201-1253). Il est aussi roi de Navarre, sous le nom de Thibaud Ier (1234-1253). Il est le plus connu des comtes de Champagne et perpétue à la cour de Louis IX l’art de la poésie et des chansons de trouvères (poètes s'exprimant en langue d'oïl). Il laisse derrière lui une œuvre poétique remarquable et variée.
La maison-Dieu de Château-Thierry, mentionnée par Thibaud IV, a souvent été confondue voire assimilée à tort avec la maison-Dieu de La Barre, créée en 1211, à cause de la similitude des appellations des deux maisons.
Historiquement, la maison-Dieu de La Barre est la mieux connue. Elle est à l’origine de la fondation de la future abbaye de La Barre.
De 1211 à 1235, cette maison-Dieu est un établissement hospitalier à part entière. Il s’agit d’une initiative personnelle de Guy, chapelain de Saint-Thibaud de Château-Thierry qui, en mars 1211, fait la donation pieuse de sa maison avec sa grange et son jardin, et fonde ainsi cette nouvelle institution.
Elle était probablement située dans la paroisse Saint-Martin, hors de l’enceinte urbaine mais très proche d’une des portes du nord de la ville, le long de la route vers Soissons. Quelques terres sont ajoutées à la dotation en décembre 1211 et les revenus sont augmentés à trois reprises par des rentes cédées par des aristocrates locaux dont Blanche comtesse de Champagne, en 1213 et 1221. L’évêque de Soissons approuve sa fondation en décembre 1211 et accorde le droit d’avoir une chapelle, des cloches et un cimetière.
Cette maison a dû servir de lieu d’asile et d’assistance pour les pauvres sans aller plus avant dans l’assistance médicale. Elle était autonome sur le plan économique.
Les données sont assez maigres sur le fonctionnement de cet établissement, on sait que le personnel soignant était masculin. Ce n’est qu’en 1235 que le comte Thibaud IV de Champagne parle de faire de cet établissement un hôpital pour le soulagement des pauvres du Christ. Au mois de septembre, il donne cette maison à Cécile d’Arcy pour en faire un hôpital pour les pauvres et un couvent de femmes si l’évêque de Soissons donne son accord. Cette maison-Dieu est transformée, dans des conditions mal déterminées, en monastère féminin entre 1235 et 1236 et devient l’abbaye de La Barre de l’ordre de saint Augustin. Il n’y a plus de trace d’activité hospitalière par la suite. Des religieuses l’occupent à partir de 1236 jusqu’à la fermeture du monastère en 1745.
En 1746, les revenus monastiques sont affectés au monastère Saint-Paul de Soissons. Ce dernier a la charge de fournir, entre autre, une rente de 650 livres à l’hôpital des vieillards et des orphelins de Château-Thierry. Cette même ville lui réclame, en vain, l’intégralité des revenus de l’ancienne abbaye de La Barre. En effet, elle estime qu’en vertu de la fondation, l’établissement était destiné au soulagement des pauvres et des malades. Malheureusement, aucun vestige n’a été conservé de cet hôpital et les archives ne sont pas parvenues jusqu’à nous.La seconde maison-Dieu était située à Château-Thierry intra-muros dans la rue du Château dont le tracé a évolué au fil des années. Certains documents présents dans le fonds de l’hôtel-Dieu nous permettent de reconstituer un peu plus son histoire.
Très peu d’informations sont parvenues jusqu’à nous concernant la maison-Dieu de Château-Thierry. La première mention remonte à 1195, lorsqu’Aliénor, comtesse de Vermandois, lui fit don d’une rente. Son personnel se compose d’un maître, de frères et de sœurs respectivement attestés à partir de 1203, 1217 et 1232. En juillet 1214, la comtesse Blanche de Troyes lui accorde de grandes libéralités et se présente comme la refondatrice de l’établissement. Ce dernier est régulièrement choyé par les comtes et comtesses de Champagne au cours du XIIIe siècle. Le pape Honorius III le place également sous la protection apostolique en novembre 1217. La maison-Dieu acquiert alors des biens principalement par donations de bienfaiteurs d’origine aristocratique.
Attenante à l’hôtel-Dieu fondé en 1304, il est fort possible qu’elle se situait initialement, au XIIe siècle, hors du bourg fortifié, sur un îlot raccordé aux deux rives par le pont. Elle fut peut-être rattachée à l’ancien fort Saint-Jacques, transférée au XIVe siècle rue du Château puis absorbée par l’hôtel-Dieu. La maison-Dieu limitait alors ses activités au logement des pauvres, des passants, des voyageurs et des pèlerins. Elle servait d’asile à une partie de la population urbaine démunie et affaiblie.
Un document présent dans le fonds de l’hôtel-Dieu, daté de 1203, atteste de la présence d’une maison-Dieu à Château-Thierry au moins un siècle avant la création de l’hôtel-Dieu. Écrit en latin, il mentionne le legs de 40 arpents de terre (environ 2 874 m²) situés à Sommelans par Blanche, comtesse de Champagne. Cette dernière est régente du comté de Champagne de la mort de son époux Thibaud III, le 24 mai 1201 à la majorité de son fils en 1222. Elle est également régente du royaume de Navarre jusqu'à la mort de son frère Sanche VII. Ce royaume revient ensuite à son fils Thibaud Ier de Navarre dit le Chansonnier, comte de Champagne sous le nom de Thibaut IV.
Il n’y a pas de charte de fondation pour la maison-Dieu. Grâce à ce document, on sait qu’elle existait déjà au début du XIIIe siècle. Il ne reste aucune trace archéologique de cet établissement.
L’hôtel-Dieu :
Fondé au XIVe siècle, son importance et sa longévité en font la clé de voûte des établissements hospitaliers de Château-Thierry et un élément incontournable du patrimoine de la ville. La comtesse de Champagne et de Brie, Jeanne de Navarre, qui est également l'épouse du roi de France Philippe le Bel, exprime la volonté par son testament en date du 25 mars 1304 de créer un hôtel-Dieu afin d'accueillir les pauvres et nécessiteux de Château-Thierry et des environs.
Effectivement, à cette époque, l'hôpital est un lieu destiné à accueillir les gens pauvres ou les malheureux touchés par l'âge et la maladie. Il s'agit d'un hôtel qui est l’œuvre de charité chrétienne. Il n'y a alors aucune notion de soin du corps mais plutôt une préparation de l'âme pour l'au-delà.
À l’origine, la reine-comtesse prévoyait la mise en place d’une nouvelle institution hospitalière avec une chapelle sous le patronage de la Vierge, saint Jean-Baptiste, saint Louis et tous les saints, qui devait être réalisée dans un délai de trois ans après sa mort.
Son testament est ratifié par le roi et le dauphin, le futur Louis X le Hutin, par le moyen d'un acte en date du 31 mars 1304. Le principal exécuteur testamentaire est l'aumônier de Philippe le Bel, Jean des Granges de l’ordre du Val-des-Ecoliers. Le codicille du 26 mars 1304 précise les statuts de cette fondation, le vêtement et la règle de vie sont empruntés à l’hôtel-Dieu de Paris. Cette dernière est basée sur la règle de Montdidier, la plus répandue à l’époque.
Le statut de sa fondatrice fait de l’hôtel-Dieu de Château-Thierry une fondation royale. Ainsi, au fil des siècles, l'accord du roi sera nécessaire pour entériner les décisions importantes prises pour la gestion de l'hôtel-Dieu comme les divers agrandissements de l'établissement et de son patrimoine. Cela explique la présence dans ce fonds de nombreux documents signés de la main des rois de France. Ces derniers étaient les « patrons » de l’hôpital, ils exerçaient un droit de visite et de correction, ils instituaient voire destituaient les frères et les sœurs par l’intermédiaire du grand aumônier royal.
En revanche, s'agissant d'une initiative personnelle et laïque, l'évêque ne peut exercer aucun droit de visite ou de correction sur cet hôtel-Dieu. En effet, le premier acte émanant d'une autorité ecclésiastique date de 1344, il s'agit d'une protection accordée à l'hôtel-Dieu par le pape Clément VI.
Dans la charte de fondation, Jeanne de Navarre octroie la somme de 12 000 livres tournois issue des revenus du comté de Champagne et de Brie. Cette somme doit constituer un revenu annuel de 1 000 livres de rente pour l'hôtel-Dieu qui permet notamment d'entretenir le personnel ecclésiastique et laïc de l'établissement. L'institution à sa fondation comporte dix lits. Ainsi, les personnes reçues peuvent être alimentées, pansées et soignées.
La communauté hospitalière prévue par Jeanne doit être composée de quatre prêtres, deux clercs, douze sœurs et cinq ou six frères laïcs (tonsurés comme les Templiers). Mais dès ses débuts, l’hôpital n’est desservi que par un seul prêtre chapelain et dirigé par une prieure, instituée en 1317. Cette dernière doit avoir huit années de profession. Elle est recrutée quasi systématiquement dans les milieux aristocratiques. Son investiture et sa destitution sont confiées au comte de Champagne et de Brie puis au roi de France. Les tentatives de certains hommes de prendre la direction de l’établissement échouent en 1463, 1562 et 1647.
La congrégation hospitalière adopte vraisemblablement la règle Augustine. Il s’agit d’un ensemble de principes définis par un texte appelé règle de saint Augustin. Ce texte est une lettre authentique d'Augustin d'Hippone donnant des normes de vie religieuse communes à une communauté généralement composée d'hommes.
Placées sous le vocable de saint Augustin, les augustines suivent la règle que donna saint Augustin à un monastère fondé par sa sœur à Hippone. Elles se vouent à la garde des malades et au service des hôpitaux et portent une robe noire serrée par une ceinture de cuir. Cependant, il s’agit d’une règle appliquée avec beaucoup de souplesse, elle correspond plus à un ensemble de directives qui ont forgé un état d’esprit mis au service des pauvres malades. Le fondement et la principale règle de cette communauté était de « ne rien posséder en propre, que tout fût en commun, et qu’il fût distribué à chacun suivant ses besoins ». A la différence des bénédictins et des cisterciens, il n’y a ni maison-mère ni filiales. Les augustines de Château-Thierry adoptent le vêtement blanc avec le voile noir à partir du XVIIe siècle.
L'hôtel-Dieu a vocation à assurer l'accueil de toute personne se présentant à sa porte. En effet, les malades, infirmes, orphelins, pèlerins, nécessiteux quel que soit leur sexe, âge, ou origine géographique sont pris en charge à l'exception des lépreux qui sont conduits dans des établissements spécialisés dans le traitement de l'épidémie : les léproseries. Les personnes accompagnées de chiens ou d'oiseaux ne sont pas accueillies non plus car ces derniers peuvent être vecteurs de maladies. La règle de 1304 impliquait une chapelle, des réfectoires et des infirmeries séparés pour les hommes et les femmes de la communauté.
Cet hôtel-Dieu se situe dans l'enceinte urbaine de la ville, dans la rue du Château, entre la rue de la Cour Gallet et la rue de Bue. Il est fort probable que l’emplacement de l’hôtel-Dieu soit resté inchangé depuis sa création. Il n’existe aucune mention de destruction ni de déplacement des bâtiments. Ceux-ci ont été édifiés au même endroit que ceux que nous connaissons actuellement. Ils ont cependant été progressivement remplacés ou augmentés par les différentes campagnes de construction. Des agrandissements ont lieu notamment aux XVIe et XVIIe siècles.
Le testament de 1304 préconise la constitution d'un patrimoine pour l'établissement nouvellement fondé et ce dans les trois ans suivant la mort de Jeanne de Navarre qui survient le 2 avril 1305. Ainsi, par ses lettres patentes datant de décembre 1308, Philippe le Bel fait don à l'hôtel-Dieu de plusieurs biens situés près de Bray-sur-Seine, à Vinneuf, Montigny-le-Guesdier et au lieu-dit « les Ormes ». Jusqu'en 1310, les achats de biens fonciers se multiplient et constituent le patrimoine foncier de l'institution. Des terres, prés, bois et quelques arpents de vignes sont acquis à Cholles et dans la seigneurie de Chapton. De plus, quelques biens immeubles sont achetés dont deux maisons à Château-Thierry ainsi que des rentes et la moitié d'un tonlieu. Ces derniers sont à prélever sur la ville et la prévôté de Bray située au sud de Provins. Ils doivent permettre la perception d'un revenu régulier pour l'hôtel-Dieu. Les biens acquis se situent dans un secteur géographique large. Pour les administrer, les prieures doivent avoir une autorité bien établie.
Le domaine de l'hôtel-Dieu peut aussi s'accroître grâce aux dons et legs dont l'institution bénéficie. Plusieurs documents conservés dans ce fonds en témoignent. Effectivement, à l'époque médiévale et sous l'Ancien Régime, les personnes pieuses pensent ainsi gagner le salut de leur âme en faisant des dons à des institutions charitables telles que l'hôtel-Dieu. Ainsi, certaines personnes qui ont été accueillies dans l'établissement font parfois de généreux dons par voie testamentaire. En 1331, Jeanne II de Bourgogne donne un immeuble à l'hôtel-Dieu. Son mari, le roi de France Philippe VI de Valois, autorise les sœurs à louer des vignes à Courtlaon-sur-Yonne dans la prévôté de Bray-sur-Seine. En 1337, Jeanne d’Évreux, reine de France fait également une importante donation issue des revenus de l'ancien comté de Champagne qu'elle perçoit dans le cadre de son douaire. Il s'agit d'une donation de rentes constituées qui viennent agrandir le patrimoine de l'institution charitable. Ces rentes sont des menus cens et vinage à percevoir sur des petits tenanciers pour leurs terres, maisons et pressoirs, essentiellement sur le domaine de Blesmes. Au fil des années et des transactions, ce domaine s’étendait sur une superficie de 103 hectares 51 ares et 69 centiares. Ces terres ont par la suite été vendues par adjudication en 1904.
A l’origine, le testament ne fait pas mention d’un apothicaire attaché au service de l’hôtel-Dieu ni même de la présence d’une officine à l’intérieur de l’établissement. Un document daté de 1689 mentionne le fait que l’apothicairerie n’existe pas encore à l’hôtel-Dieu. Sa création daterait vraisemblablement d’après 1690 et serait l’œuvre de Marie Brayer, fille du médecin de Louis XIV. Elle est ensuite totalement équipée par les dons et bienfaits de la famille Stoppa. Cependant, certains objets présents dans le Trésor de l’hôtel-Dieu témoignent d’une activité pharmaceutique avant la création officielle. En effet, à partir du XVIIIe siècle, les religieuses fabriquent sur place une grande partie des médicaments nécessaires.
A partir de la deuxième moitié du XVe siècle, la situation économique de l'hôtel-Dieu se dégrade. En effet, le patrimoine de l'établissement est difficile à entretenir et les revenus n'atteignent pas ceux prévus initialement par Jeanne de Navarre. En 1463, la prieure Gillette d'Herbeline demande l'aide et la protection du roi. En effet, celle-ci se plaint que les revenus de l’hôtel-Dieu sont tombés à 24 livres par an. Par ailleurs, les terres de Chapton produisent un revenu inférieur aux capitaux investis. Le domaine est alors échangé avec les terres et la ferme des Aulnegeois, paroisse de Vendières, proche de Montmirail. Cette transaction se fait en exécution du testament de Jeanne Perette de Buzancy Pavant au XVIIIe siècle.
Les difficultés de fonctionnement se multiplient aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. Ainsi, en 1596, la prieure Charlotte de Vieuxbourg obtient une visite afin que l'état de l'hôtel-Dieu et de ses possessions soit constaté par les envoyés du roi. En effet, l’hôtel-Dieu est ruiné par les guerres et l’obligation d’héberger des soldats. Les sœurs n’ont plus les moyens de rétribuer un chapelain. De plus, en 1591, les armées du duc de Mayenne, ligueur, ont pillé l’hôpital. A cette époque, la prieure n’est alors entourée que par trois ou quatre sœurs.
Le pouvoir royal prend plusieurs mesures pour venir en aide aux maladreries et hôtels-Dieu du royaume comme par exemple une décharge des droits de décime en 1634. En ce qui concerne l'hôtel-Dieu de Château-Thierry, en 1619, Louis XIII lui accorde des amortissements et franchises. En 1633, pour décharger l’établissement, il ordonne que les vagabonds qui y logent soient expulsés sous peine de punition corporelle. Il en va de même pour les enfants trouvés en 1645. Par ailleurs, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, par acte signé de leur main, ordonnent le règlement par les débiteurs des dettes dues à l'hôtel-Dieu et ce pour tenter d'améliorer la situation financière de l'établissement.
A partir du milieu du XVIIe siècle, une ère de croissance débute pour l'hôtel-Dieu. En effet, un redressement s’opère dès 1653 sous la direction du prêtre Gilles Danguy et de quelques religieuses soucieuses de reprendre l’habit, dont la prieure Anne Le Brun à partir de 1655. Mais, la création de l’hôpital de la Charité par la duchesse de Bouillon en 1654 débouche sur un long procès jusqu’en 1670. A l’origine de la création de la Charité, les religieux devaient prendre en charge l’hôtel-Dieu de Château-Thierry et récupérer ses biens. La duchesse souhaitait que l’hôtel-Dieu ne prenne en charge que les femmes et la Charité que les hommes. Cette dernière se vit attribuer la moitié des revenus de l’hôtel-Dieu (environ 3 000 livres) par un arrêt du Conseil privé du roi en 1663. Les Augustines de l’hôtel-Dieu, soutenues par la municipalité et l’évêque de Soissons, s’opposent au projet de la duchesse de Bouillon qui échoue au terme d’un long procès qui se termine devant le Conseil royal le 4 février 1670. Le litige fut ainsi tranché en faveur de l’hôtel-Dieu.
En 1682, Anne Le Brun, alors âgée de 74 ans, démissionne. Anne de La Bretonnière est appelée par Louis XIV pour lui succéder à la tête du prieuré royal Saint-Jean-Baptiste de Château-Thierry sous le nom de Madame Saint-Ange. Le duc de Bouillon, qui revendiquait le patronage de l’établissement, s’oppose en vain à cette nomination. Il s’agit d’une étape décisive dans le redressement de l’hôpital. Anne de La Bretonnière est alors religieuse professe de l'abbaye Saint-Rémy de Landréa qui se situe dans le diocèse de Chartres. Son installation est retardée par le conflit sur les régales entre Louis XIV et le pape. La bulle du pape Innocent XI l'installe donc dans ses nouvelles fonctions à Château-Thierry le 22 avril 1683. Elle obtient pour elle et ses sœurs le titre de chanoinesse de Saint-Augustin et réussit à transférer la juridiction spirituelle directe sur l’hôtel-Dieu du pape à l’évêque de Soissons, Charles de Bourbon. Celui-ci dispose désormais d’un appartement à l’hôpital pour y loger durant ses visites et il accorde en échange aux sœurs l’habit blanc des chanoinesses de Saint-Augustin.
Anne de la Bretonnière mène une œuvre de réforme importante jusqu’à sa mort. Elle fait rédiger un cérémonial et transformer le livres des constitutions de la communauté, s’émancipant ainsi des coutumes de l’hôtel-Dieu de Paris. Au cours de son priorat, l'hôtel-Dieu connaît une période plus prospère et voit ses revenus et son patrimoine s’accroître significativement.
D'une part, dans le cadre de la réforme des maladreries que Louis XIV mène dans le royaume, 28 maladreries des environs et leurs biens sont rattachés à l’hôtel-Dieu de Château-Thierry de 1695 à 1698. Ainsi, les maladreries d'Aulnois, Blesmes et Chierry, Champruche, Charly, Chézy-en-Orxois, Chézy-l'Abbaye, Crézancy, Cohan, Condé et Montigny, Dormans, Essises-et-Montfaucon, Cuiry-Housse, Froid Vent, Lhuys, Montlevon, Mont-Notre-Dame, Nogentel et Etampes, Verneuil, Viffort et leurs biens sont réunis à l'hôtel-Dieu. Il n’y avait alors que dix-huit lits à l’hôtel-Dieu. Ce rattachement permet la création de cinq lits supplémentaires dans la salle des pauvres malades. Ces lits nouvellement créés sont réservés en priorité aux malades habitant ces villages de Chézy-l’Abbaye, des paroisses de Lhuys, Mont-Notre-Dame, Cohan et Housse. Les nouveaux lits portent ainsi un écriteau sur lequel la maladrerie est mentionnée. Leurs revenus sont employés pour la nourriture et l’entretien des pauvres malades.
Le 28 février 1698, Anne de la Bretonnière, reçoit les titres des biens des anciennes maladreries afin de prouver les revenus et la jouissance de ces biens. Ces titres étaient alors conservés aux archives de l’ordre de Saint-Lazare. Les lettres patentes du Roi datant du 18 juin 1698 actent leur rattachement décidé 5 ans plus tôt et sont confirmées en 1739.
D’autre part, de 1670 à 1690, les revenus de l'hôtel-Dieu doublent grâce aux rentes annuelles venant des biens acquis mais aussi grâce aux donations et legs. Parmi les plus importantes donations, figure celle de la ferme d'Heurtebise léguée le 7 août 1680 à l'institution par Anne Josse, veuve de Nicolas Brayer. Ce legs est complété par l’achat de tous les chênes et gros arbres présents sur les héritages de la ferme en 1681.
La ferme de la Gonneterie est quant à elle achetée par les dames de l'hôtel-Dieu à Gaspard Brayer en 1687 pour le prix de 22 000 livres. Les documents cotés H-dépôt 19 B11, legs de Marie Brayer pour la fondation de deux lits supplémentaires, et H-dépôt 19 B172, acquisition de la ferme, apportent plus de précisions quant à l’achat de la ferme de la Gonneterie par l’hôtel-Dieu. En effet, 8 000 livres sont employés au paiement d’une partie du prix d’une métairie appelée Zélande dans la paroisse de Bouresches. Cette métairie est également appelée la Gonneterie. Celle-ci est composée d’un fournil, chambres, grenier, granges, étables, bergerie, jardin et cour ; ainsi que 20 à 30 arpents de terres labourables. Lors de l’achat, la métairie est alors exploitée par le fermier François Frutel.
Des maisons et jardin situés rue de la Cour Gallet à Château-Thierry deviennent propriété des dames de l'hôtel-Dieu en 1686.
Le 4 août 1689, après avoir obtenu l'autorisation de Louis XIV, la prieure fait l'acquisition auprès du marquis de Poussé de terres situées dans la seigneurie de Beaune, sous Aurbais-en-Brie, pour la somme de 22 000 livres. Cette acquisition comporte un château et une maison seigneuriale, complétée par plusieurs bâtiments dont un colombier, un jardin, un moulin et un pressoir banal. A ces bâtiments, s’ajoutent des droits de chasse, de pêche, des cens, surcens, rentes et coutumes. Le tout agrémenté de 440 arpents de bois, taillis et quelques chêneaux.
L’hôtel-Dieu possédait plusieurs moulins dont le moulin banal de Malaquet. Le document le plus ancien concernant ce moulin date de 1502, il s’agit d’un bail de Jean Jehannet, procureur du roi à Château-Thierry, à Oudin Massecret. Ce moulin a été installé aux bords de la rivière du Surmelin, en aval de Beaune, à proximité d’une ancienne tuilerie. La propriété est aliénée au milieu du XIXe siècle lors de la construction d’un nouvel établissement.
Quant au moulin d'Etampes, il s’agit d’une propriété qui a été achetée par l’hôtel-Dieu de Château-Thierry en 1689 à Louis Pottier, avocat au Parlement, et à Françoise de La Grange épouse de Jean de Cœurrir, écuyer des gardes du corps du roi. Cette propriété est constituée d’une maison couverte de tuiles, de bâtiments annexes, d’un moulin à blé, de granges, d’étables, d’une cour et jardin, d’un cours d’eau servant au fonctionnement du moulin ainsi que d’une écluse. Il est exploité pour les besoins du prieuré et ses revenus couvrent seulement les frais d'entretien des installations et de l'écluse. Vers 1770, la propriété est nommée dans les actes « moulin ou tuilerie ». Au XIXe siècle, elle prend le nom de tuilerie d’Étampes. En 1845, elle se compose de 2 hectares comprenant les bâtiments d’habitation et d’exploitation de la tuilerie, les terres situées au levant desdits bâtiments, l’ancien étang du moulin ainsi que la place servant à faire sécher les tuiles avec un four.
La tuilerie d’Étampes est vendue par les hospices en 1847, mais à un prix moins élevé que prévu. En effet, le tuilier qui louait ces terres depuis 1842 n’a pas bien entretenu les bâtiments et a arraché les vignes sous prétexte que celles-ci gelaient chaque année et que la récolte se trouvait compromise. Ce non-respect des clauses du bail, constaté par expert, a donné lieu à un différend entre les hospices et leur ancien locataire et a dévalué la tuilerie.
Par ailleurs, une ferme sise au Lumeron est acquise en 1688 pour la somme de 1 150 livres. Elle comporte un terrain de 39 perches de terres au terroir de Nesle, soit environ 1 646 m². Cette ferme appartenait auparavant aux religieuses de la visitation du faubourg Saint-Jacques de Paris.
La ferme des Marlières est quant à elle achetée pour 3 000 livres en 1690 par Gilles Danguy pour le compte de l’hôtel-Dieu. Cette ferme appelée « les Grandes Marlières » se situe dans la paroisse de Bouresches, proche de la Gonneterie. Gilles Danguy était chapelain au monastère royal de Saint-Jean-Baptiste de Château-Thierry et occupe dans la seconde moitié du XVIIe siècle les fonctions de régisseur des biens de l’hôtel-Dieu.
Enfin, en 1703, Thomas le Dauphin, sieur Desmoitiers, donne la ferme de Latilly à l'hôtel-Dieu.
Sous le priorat d'Anne de La Bretonnière, des travaux importants sont entrepris. En 1676, le roi donne son accord pour la construction d’une nouvelle salle pour la séparation des sexes, ainsi que pour la coupe de bois servant à la réparation des bâtiments anciens. La halle du pressoir qui se trouve dans la cour de l’hôtel-Dieu est refaite, de même que les portes de la chapelle et de l’hôpital, le corps de logis qui sert d’infirmerie et celui attenant à la salle des pauvres.
Par ailleurs, le 2 juin 1683, la prieure confie à Jacques Lorget la réalisation du portail de la chapelle et de la construction d'une chaire qui doit être identique à celle de l'église des religieuses de La Barre. Par le biais d'une ordonnance datant du 14 mai 1683, le bailli de Château-Thierry nomme des experts pour la visite des remparts. L'abaissement de la grosse tour est décidé le 18 juillet 1683 et le duc de Bouillon donne son aval le 12 septembre 1683. Louis XIV, par ses lettres patentes du 10 janvier 1684, accorde à l'hôtel-Dieu la propriété des remparts et tours attenant à leur enclos. L'institution doit alors en assurer les réparations. Enfin, des travaux de charpente sont faits sur le dôme du chœur où chantent les religieuses. L'ouvrage est confié le 6 juillet 1686 à Etienne Bouquet contre le paiement de la somme de 330 livres.
Le priorat d'Anne de La Bretonnière est marqué par les très importantes donations faites par Pierre Stoppa et son épouse Anne Charlotte de Gondy. Pierre Stoppa, aussi appelé monsieur Stouppe est né en 1621 à Chiavenna en Valteline. Ses parents sont protestants et d'origine modeste. Il s'illustre dans une brillante carrière diplomatique et militaire. Tout d'abord officier au régiment des gardes suisses, il devient lieutenant. Il participe en Italie aux combats de la Roquette en 1654 et notamment au siège de Dunkerque en 1658. Durant la guerre de Hollande, il est nommé au grade de colonel. Maréchal de camp en 1677 et colonel du régiment des gardes suisses en 1685, il devient lieutenant général en 1688. Durant sa carrière militaire, Pierre Stoppa est un homme influent et brillant, il désapprouve ouvertement les pillages commis pendant la guerre de Hollande. Il est également le promoteur de réformes importantes dans les troupes suisses de France. Pour son intégrité et sa grande valeur, il reçoit ses lettres de noblesse pour services rendus à Louis XIV.
Sur le plan personnel, il se convertit au catholicisme et épouse Anne Charlotte de Gondy en 1661. Le couple habite à Paris. Ils affectionnent particulièrement la région et font de Château-Thierry une de leurs résidences. Leur piété et leur générosité les poussent à entreprendre des actions en faveur du prieuré royal Saint-Jean-Baptiste de Château-Thierry. Ainsi, ils financent la création de nouveaux lits tout en assurant l'entretien des lits existants. Ils offrent du linge et quantité d'objets mobiliers (vaisselle et objets destinés à l'apothicairerie). Ils font aussi présent d'une horloge et d'un orgue pour la chapelle. Par ailleurs, ils financent certains travaux comme l'aménagement de la galerie qui mène à la salle des malades, la réfection des chemins de cours et la mise à niveau des remparts. Ils permettent également l’achèvement du bâtiment des pauvres et des dames religieuses en 1694.
Anne Charlotte de Gondy meurt à Paris le 6 juin 1694. Conformément à son souhait, elle est inhumée à la chapelle du monastère de Château-Thierry. Des cérémonies religieuses ont lieu en son honneur. Elle désigne son époux comme exécuteur testamentaire. Dans ses dernières volontés, elle accorde 2 500 livres de rente annuelle à l'hôtel-Dieu. Elle finance aussi l'accroissement de la capacité d'accueil pour 3 lits ce qui porte leur nombre à 23. Elle donne des fonds pour acquérir des terres et payer les dots de certaines religieuses.
Anne de La Bretonnière, à qui le couple est particulièrement lié, bénéficie aussi à titre personnel de sa générosité. En effet, dans son testament, Anne Charlotte de Gondy prévoit le versement à son profit d'une rente annuelle de 600 livres en pension viagère sur l'héritage et ce même si la prieure est transférée dans une autre maison religieuse.
Après la mort de son épouse, Pierre Stoppa continue à faire bénéficier l'hôtel-Dieu et ses pensionnaires de sa générosité. En 1699, des agrandissements dans le logis et dans les bâtiments de la rue du Château sont réalisés grâce à lui. Il offre aussi des peintures, meubles et ce pour payer l'entretien de ses parentes reçues à l'hôtel-Dieu depuis plusieurs années.
Le 6 janvier 1701, Pierre Stoppa meurt à Paris. Sa dépouille est amenée à Château-Thierry afin qu'il repose auprès de sa femme. Un mausolée est érigé pour le couple. Pour témoigner de sa reconnaissance envers ces bienfaiteurs, la prieure fait célébrer des messes en leur souvenir. A la chapelle funéraire, leurs anniversaires sont célébrés grâce à des messes chantées et des obits.
Les donations d'Anne Charlotte de Gondy et de Pierre Stoppa restent parmi les plus importantes dont a bénéficié le prieuré royal. Aujourd'hui encore, de nombreuses traces de leur générosité sont visibles. Un tableau les représentant avec Anne de La Bretonnière immortalise les liens de ces bienfaiteurs avec ce lieu. De plus, le mobilier qu'ils ont offert est en partie encore présent. Enfin, leurs initiales figurent sur de nombreux vêtements de culte qu'ils ont généreusement offert. Cette aide qu'ils ont apportée à l'institution hospitalière marque fortement le priorat d'Anne de La Bretonnière. Cette dernière s'éteint le 26 octobre 1714 et est inhumée dans le caveau auprès du couple Stoppa.
En 1690, les biens anciens de fondation produisent 1 825 livres de rente annuelle, les donations et acquêts de 1670 à 1690 apportent 2 200 livres supplémentaires. L’hôtel-Dieu est alors considéré comme l’un des plus grands propriétaires terriens de la région. Le monastère compte alors 13 religieuses, un chapelain, un chirurgien, un sacristain et deux servants pour l’entretien des lits.
Les revenus atteignent 12 000 livres en 1749, sans compter les bois. Le roi donne chaque année 150 livres pour s’occuper des soldats.
En 1783, il y a 14 sœurs de chœurs et 5 sœurs converses sous l’autorité de la prieure.
A la suite d’un litige avec le curé de Saint-Crépin entre 1745 et 1747, celui-ci obtient que les pensionnaires de l’hôtel-Dieu soient enterrés dans le cimetière de son église. A partir du 10 janvier 1776, les religieuses sont inhumées dans le caveau de la Tour du Calvaire, aujourd’hui nommée Tour des Augustines, incluse dans les remparts de la ville et non plus dans le sol de la chapelle comme auparavant.
Durant la Révolution, les sœurs augustines s’opposent à la Constitution civile du clergé et protestent avec véhémence contre les propositions des officiers municipaux venus leur rendre visite pour leur faire prêter le serment de fidélité et de devoir envers la Nation. Elles considèrent en effet cette assermentation comme une entrave au libre exercice de la religion. A ce moment, l’hôtel-Dieu se trouve sous le priorat de Marie Jeanne Appoline Boudin de la Garde qui a succédé à Henriette de Besse de la Richardie en 1775.
De plus, les administrateurs reprochent aux religieuses de cacher des prêtres réfractaires et d’inspirer autour d’elles des idées contraires à la doctrine de la Nation. Leur présence est alors tolérée uniquement pour apporter des soins aux malades.
Le 26 août 1792, l’hôpital est pillé par un régiment de chasseurs venus de Paris qui bivouaquait dans la ville. Ces derniers s’insurgent contre les aristocrates et les religieux insermentés et veulent exterminer toute trace de religion dans la maison hospitalière. Les tombeaux des bienfaiteurs Anne de Gondy et Pierre Stoppa sont profanés et les cercueils éventrés. Seule la sépulture anonyme d’Anne de la Bretonnière est épargnée. Les officiers municipaux viennent ensuite rétablir l’ordre.
Le 5 septembre 1792, après un nouveau refus de prêter serment à la Nation, elles sont expulsées. Elles passent alors la nuit aux Chesneaux sous la protection du procureur de la ville puis sont conduites en exil à Soissons.
Restée seule à l’hôtel-Dieu, Sœur Anne-Marie Déon, qui travaille à l’apothicairerie, s’efforce de sauver les pièces du trésor alors que les plans-terriers, les registres et la chapelle sont détruits.
Dès leur expulsion, elles sont remplacées par des sœurs congréganistes, mais ces dernières n’étant pas formées aux soins, les augustines sont maintenues sur les lieux.
Sœur Déon travaille aux côtés des officiers de santé dont elle est une précieuse assistante. Elle participe à la visite, reçoit les ordonnances du médecin, donne son avis sur le suivi des malades et administre jour et nuit les drogues avec l’aide de deux servantes de pharmacie. Le travail est particulièrement pénible et dangereux en raison des risques de contagion, les aides de pharmacie ne restaient pas très longtemps à l’hôtel-Dieu et certaines mouraient rapidement.
Pendant la période révolutionnaire, l’orgue et la chaire de la chapelle, comme la plupart des biens d’église sont vendus par le district. L’église réformée de Monneaux les achètent et les fait transporter dans son temple.
Les sœurs augustines sont rétablies en 1801. Après une remise en état, la chapelle est à nouveau consacrée le 31 mars 1804 en présence de l’évêque de Soissons.
Le patrimoine de l’hôtel-Dieu échappe à la vente des biens nationaux car celui-ci est considéré, à la Révolution, comme le bien de tous les pauvres.
Au cours des différents conflits, l’hôtel-Dieu est confronté à un surcroit d’occupation car il sert d’hôpital militaire. Au cours de la Campagne de France en 1814, le personnel soignant, laïc et religieux est mis à rude épreuve. La gestion des épidémies de choléra de 1832 et 1849 valent aux Augustines l’admiration et le prestige.
Durant la guerre de 1870, les soldats français sont soignés à la Charité tandis que les Prussiens sont pris en charge à l’hôtel-Dieu (ils étaient environ 130). Du 12 septembre au 28 novembre, 91 français et 332 allemands sont soignés aux hospices.
Les Augustines restent à l’hôtel-Dieu jusqu’au milieu du XXe siècle. Entre temps, des médecins laïcs sont entrés dans l’hôpital. De ce fait, elles sont reléguées au rang de simples soignantes sous l’égide de la Commission administrative des hospices civils qui regroupe désormais l’hôtel-Dieu et la Charité. Cette dernière décide la reconstruction du complexe médical, momentanément retardée à cause du conflit franco-prussien. Les problèmes liés au manque d’hygiène et de sécurité aux hospices font l’objet d’une visite d’inspection le 8 avril 1868 qui impose une mise en conformité des installations.
Bâti entre 1876 et 1879 par l’architecte Eugène Rouyer dans un style où se mêle tradition et hygiénisme, le nouvel hôpital exclut de ses murs les biens des pauvres incarnés par des fournitures diverses. Meubles, tableaux et autres objets sont entreposés dans les greniers du couvent du XVIIe siècle. Ils sont ensuite protégés des guerres mondiales dans les souterrains du château de Pierrefonds en 1914-1918 puis au château de Laval en 1939-1945.
En 1902, l’hôtel-Dieu possède 150 lits pour les malades et 111 885 francs de revenus.
Lors de la Grande Guerre, les hospices civils sont transformés en hôpital de campagne. Dès le 5 août 1914, la commission des hospices décide du transfert de tous les malades civils de l’hôpital vers la Charité. Seuls les cas de chirurgie restent à l’hôtel-Dieu dans les salles Sainte-Marguerite réservée aux hommes et Saint-Michel destinée aux femmes. Cette mesure permet de libérer une soixantaine de lits de chirurgie pour les soldats blessés. De plus, afin d’éviter toute contamination entre les hospitalisés, il est indispensable de créer des locaux annexes pour isoler les contagieux d’autant plus que l’épidémie de fièvre typhoïde gagne du terrain.
Un dispositif exceptionnel d’hospitalisation est mis en place. L’hôtel-Dieu devient un hôpital où cohabitent personnels civils et militaires. Cela génère de sérieux problèmes administratifs, d’ordre et de discipline, mais surtout des problèmes financiers.
Les infirmiers brancardiers de la Croix-Rouge française se joignent au personnel de l’établissement pour faire face à l’affluence des victimes de la bataille de la Marne. Les effectifs insuffisants de la congrégation des Augustines sont renforcés par la présence des religieuses de l’Enfant-Jésus.
Cette guerre fait des milliers de morts qu’il faut enterrer. C’est là aussi le rôle des hospices. A cause des nombreuses batailles qui se sont déroulées aux alentours, il est impossible pour les hospices de se fournir dans leurs bois de Cholles et de Rougis. Ils sont obligés d’acheter du bois en très grande quantité afin de confectionner les cercueils.
A la fin de la guerre, les hospices organisent le ravitaillement et veillent à la sauvegarde de leur patrimoine. Le 23 août 1920, l’administrateur Georges Corbie est désigné pour représenter les hospices au tribunal et à la Commission cantonale des dommages de guerre.
Il n’est pas possible de parler de la Grande Guerre sans évoquer le court passage du poète Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Guillaume Kostrowitzky, hospitalisé du 20 au 28 mars 1916 en raison d’un éclat d’obus reçu à la tête puis transféré à Paris vers le Val-de-Grâce. Il meurt ensuite foudroyé par la grippe espagnole deux jours avant l’armistice.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, après un bref exode à Laval, l’établissement reprend son activité hospitalière en accueillant à nouveaux en nombre important des blessés français et allemands.
En 1966, lors du décès de la dernière religieuse augustine, sœur Thérèse d’Avila, l’administration du centre hospitalier hérite de tout ce patrimoine. Ce n’est qu’à partir de 1983, lors du déménagement des services médicaux vers un complexe plus moderne, que les bâtiments de l’hôtel-Dieu sont progressivement reconvertis en musée. Celui-ci ouvre ses portes en 2010 dans un espace de 1 500 m2 qui retrace l’histoire de cette institution depuis le Moyen Âge. Il expose un peu plus de 1 300 objets et œuvres d’art en rapport avec la médecine et la vie religieuse. Les bâtiments sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1993 pour la chapelle et 2007 pour les façades extérieures.
Depuis 2016, l’hôtel-Dieu bénéficie du loto du patrimoine. En effet, le bâti se dégrade de plus en plus et des travaux de restauration deviennent urgents et indispensables. Le but du projet, hormis la sauvegarde des bâtiments, est de faire de l'Hôtel-Dieu un des plus importants musées hospitaliers de France en rassemblant les collections des autres musées hospitaliers français actuellement fermés, en étroite collaboration avec les services de la DRAC et des Musées de France.
La léproserie puis maladrerie de Château-Thierry
Au XIIe siècle, la fondation de ces établissements se répand dans tout le royaume. Ces maisons étaient destinées à isoler et soigner les personnes atteintes de la lèpre essentiellement et autres maladies contagieuses.
Les circonstances de la fondation de cet établissement à Château-Thierry sont floues, elle date vraisemblablement d’avant le XIIIe siècle, et émane de la volonté collective des habitants de la ville. La mention d’un privilège pontifical d’Alexandre III datant de 1167 indique l’existence de cet établissement avant cette date. Thibaud, comte de Champagne, surnommé « Père des lépreux » serait à l’origine de l’aide apportée aux malades pour la création de cet établissement. Il semble que les Prémontrés ont également joué un rôle important dans cette création. La léproserie apparait également dans deux autres textes, en mars 1211 et en 1223.
Au départ, il s’agit d’une maison conçue exclusivement pour les malades atteint de la lèpre, les accueillant de façon définitive ou, plus rarement, de façon temporaire (contrairement aux maisons-Dieu). Par peur d’endémie, les malades sont refusés pour être dirigés vers la léproserie la plus proche.
De plus, par crainte de contagion, cette maison est située à l’extérieur de l’enceinte urbaine, sur une colline au Nord-Est de la ville.
On dispose de peu de données sur le bâti mais un bail judiciaire de 1560 mentionne quelques pièces de terres en leur possession notamment dans la prairie des communes de Nogentel et d’Etampes. La maladrerie possède également sur le territoire communal de Château-Thierry des pièces de terres aux lieux-dits des Praillons, à Vincelles, au Buisson, aux Chesneaux, au Champ Bonnet, proche de Champluisant et aux Chaillots.
D’après les données archéologiques, la léproserie était de taille modeste, elle ne devait compter qu’une dizaine d’occupants tout au plus. Elle est de ce fait représentative de la grande majorité des léproseries de petites villes ou de milieu rural.
La plus ancienne mention concernant les statuts de la maladrerie se trouve dans un acte de Charles le Bel en 1326, il autorise les « habitants, manants et bourgeois possesseurs de la maladrerie de Château-Thierry à élire, instituer et destituer un maitre gouverneur ». La maladrerie apparait alors clairement comme une possession directe des habitants.
Entre le XIIe et le XIIIe siècle, la léproserie comporte une chapelle et quelques « maisons » en bois pour les malades. C’est un modeste établissement urbain implanté à 700 mètres de l’entrée de la ville au Nord-Est sur un axe routier menant à Soissons et passant par l’abbaye prémontré du Val-Secret.
A l’origine, une route longeait à l’ouest l’établissement et la chapelle. Cette voie est appelée en 1560 la « sente des morts ». Avant 1654, ce chemin reliait l’abbaye de Val-Secret à la ville de Château-Thierry par la porte de La Barre.
Parmi les héritages de la maladrerie, on peut citer celui de Jeanne d’Evreux qui, en 1338, offre la terre des Praillons, trois pièces de vignes et une pièce de marais à la maladrerie. Cette donation est assortie d’une obligation faite au chapelain et à ses successeurs de dire à perpétuité une messe de Notre-Dame et un office des morts pour le repos de l’âme de la donatrice et de son mari défunt.
En 1492, un conflit éclate entre le gouverneur de la maladrerie et les chevaliers de l’Ordre de Saint-Lazare à propos de la gestion déficitaire des biens de l’ancienne maladrerie de Brasles dont la manse dépendait de Château-Thierry.
Un document de 1538 nous éclaire sur le domaine de la maladrerie qui s’étendait à partir de l’antre des Chauffours jusqu’à Verdilly et de Brasles jusqu’à Mont-Saint-Père.
Dans la première moitié du XIVe siècle, un nouvel établissement est reconstruit au nord du précédent. Au XVIIe siècle, la maladrerie urbaine, propriété des habitants de la ville, est transformée en Charité, puis en maison de force dépendante de la communauté religieuse des frères de Saint-Jean-de-Dieu. L’ancienne route est abandonnée et déplacée à la limite ouest des murs de propriété. Les bâtiments deviennent donc isolés de l’axe de circulation.
Plus récemment, les travaux de la maison de retraite Bellevue en 1989-1990 ont fait disparaitre les derniers vestiges architecturaux de la maladrerie médiévale.
Le fonctionnement de la vieille maladrerie est resté assez obscur au XVIIe siècle. En effet, les grandes épidémies ayant pratiquement disparu, la léproserie perd sa raison d’être, elle n’a plus la même activité qu’aux XIIe et XIIIe siècles. C’est la raison pour laquelle les habitants de Château-Thierry accordent leur consentement à la proposition de la duchesse de Bouillon pour donner un autre usage à ce vieil établissement.
La Charité :
Au XVIIe siècle, un autre établissement distinct de l'hôtel-Dieu est créé comme en témoigne une lettre patente datée de 1656 et signée par Louis XIV qui confirme l’établissement de l’ordre de la Charité à Château-Thierry.
La duchesse de Bouillon, Eléonore de Bergue, est à la tête du duché de Château-Thierry à la suite du décès de son mari, le prince Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne.
Elle autorise que l’hôpital, l’abbaye de La Barre et la chapelle « soient et demeurent à perpétuité aux religieux de l’Ordre de La Charité qui pourront y recevoir, nourrir, panser et médicamenter les pauvres malades et blessés de sexe masculin » de Château-Thierry et des alentours qui se présenteront et ce tant que les revenus le permettront. Il est précisé que le traitement de ces malades se fera en suivant la règle et la constitution de l’ordre de la Charité et dans le respect des conditions fixées par le contrat qu’elle a passé avec les religieux le 20 avril 1654. Cet établissement est destiné à recevoir les hommes tandis que les femmes sont soignées à l’hôtel-Dieu.
Le 26 avril de la même année, les habitants de Château-Thierry sont convoqués au son des cloches pour la prise d’un acte d’assemblée de ville. L’évêque diocésain donne également son accord à cet établissement.
Le 30 avril, les religieux hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, frères de la Charité, prennent possession des lieux qui correspondent à l’ancienne maladrerie. Ils peuvent désormais jouir paisiblement de l’hôpital, des maisons, cours, jardins, cimetière et des revenus associés.
L’ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu, sous son appellation complète l’ordre hospitalier des Frères de Saint-Jean-de-Dieu (plus couramment Frères de la charité sous l'Ancien Régime), a été fondé à Grenade en Espagne en 1539, par saint Jean de Dieu, pour le soin des pauvres et des malades.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Frères fondent une quarantaine d'établissements hospitaliers : trente-quatre en France métropolitaine (couvrant à peu près l'ensemble du territoire) et neuf dans les possessions coloniales (au Canada et aux Antilles notamment). Les fondations se font au gré des demandes, elles émanent du roi, de l'armée, des évêques ou des aristocrates locaux.
Cet ordre, supprimé en 1790, a été rétabli depuis, sous le nom de l'Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Aujourd'hui, cet ordre religieux soigne, accueille et accompagne plus d'un million de personnes malades et démunis dans 454 établissements répartis dans 53 pays sur les cinq continents.
Les ressources de la Charité de Château-Thierry sont dédiées à Dieu et servent aux œuvres de charité chrétienne.
Les nouveaux arrivants s’empressent alors d’effectuer des travaux de réhabilitation et de construction. Le domaine qu’ils investissent est vétuste et d’une grande pauvreté. L’ancienne maison et la chapelle sont rasées et remplacées par un corps de bâti neuf. Le domaine est augmenté de sept arpents à l’ouest. Les bâtiments sont agrandis au cours du XVIIIe siècle et entourés d’un important mur de clôture. Une aile nouvelle est ajoutée en 1734 pour servir de maison de force. L’hôpital abrite alors 40 aliénés en 1783.
Les armes du fondateur de l’ordre, le portugais Jean de Dieu, sont sculptées sur le tympan du bâtiment. Elles comportent une grenade avec des palmes surmontées d’une croix et trois étoiles.
Ce nouveau logis accueille les membres de la communauté composée d’un prieur et de cinq frères (dont un chirurgien et un apothicaire) ainsi que les hôtes. A l’est, les bâtiments les moins en ruines, qui composaient l’ancienne maladrerie, sont intégrés aux bâtiments neufs. Dans ces bâtiments, affectés par la suite à la basse-cour, sont installés la boulangerie, le cellier, le pressoir, le bûcher, l’écurie et le colombier. Les religieux ont obligation dans leur maison charitable de fournir asile et soin aux malades et blessés, et de garder les malades mentaux (maison de force), activité dans laquelle ils se spécialisent. Ils refusent souvent des malades au grand dam des autorités municipales sous prétexte qu’ils ont peu de lits et n’ont pas été fondés pour la ville.
A l’origine, la maison ne dispose que de trois lits pour les pauvres. Etienne Braquet, avocat au parlement de Paris, en fonde deux nouveaux pour la paroisse de Cierges par son testament du 24 avril 1707. Le seigneur de Mont-Saint-Père en fonde un autre pour sa paroisse par contrat du 31 juillet 1722. Puis, René de Pintrel fonde le septième pour la paroisse de Brasles par contrat du 2 janvier 1724.
Outre la fondation des sept lits, six messes basses sont fondées par Jean Pillon, par contrat du 29 janvier 1665, pour chaque semaine de carême. De même, une messe annuelle le jour de la Pentecôte est fondée par Sébastien Le Blanc le 11 avril 1664.
L’établissement est doté de 6 000 livres de rente en 1749. La même année, sur injonction de monseigneur de Fitz-James, évêque de Soissons, la chapelle installée dans la salle des malades est déplacée dans une nouvelle église dont le fronton occupe le milieu de la façade. Mal bâtie, cette nouvelle chapelle est reconstruite peu après, vers 1760.
Contrairement à l’hôtel-Dieu, la Charité dispose de peu de ressources foncières. En effet, elle ne possède que deux fermes, Cierges et Proslins. Cette dernière a été achetée à la Charité des convalescents de Paris en 1723 moyennant le bénéfice d’une rente foncière perpétuelle de 350 livres tournois payable chaque trimestre. En effet, les réparations s’avéraient trop importantes et trop coûteuses pour l’hôpital parisien. Ce dernier évoqua également l’éloignement trop important de la ferme du siège parisien comme un facteur déterminant de la vente. Cette ferme, située dans la paroisse de Chézy se compose d’un bâtiment, de terres labourables, pâturages et bois. L’adjudication du 14 février 1793 met en évidence la vente des bois pour un montant de 2 690 livres tournois. La Charité dispose également de possessions à Brasles et Château-Thierry.
A partir du milieu du XVIIIe siècle, une maison de force est créée dans l’enceinte de la Charité. Les bâtiments sont agrandis en 1750 et deux religieux sont désormais affectés à la garde des pensionnaires enfermés par ordre du roi, mais également les aliénés et épileptiques.
Au moment de la Révolution, l’établissement sert principalement de prison. Certains détenus ont par ailleurs laissé la trace de leur passage. Parmi les prisonniers célèbres incarcérés à la Charité en août 1793, on peut citer l’abbé Leduc, seigneur de Marigny-en-Orxois et fils naturel de Louis XV. Il a été arrêté car il a eu le courage de réclamer le corps de Louis XVI afin de lui donner une sépulture convenable.
En 1798, la maison de force est réunie à l’hôtel-Dieu. Au lendemain de la Révolution, la Charité compte 48 pensionnaires, essentiellement des personnes blessées, vieillards, infirmes et quelques prisonniers.
Les projets d’union avec l’hôtel-Dieu n’aboutissent pas sous le Consulat ni sous l’Empire. Au XIXe siècle, après la réunion de l’hôpital de la Madeleine et de la Charité, l’établissement devient un dépôt de mendicité et un refuge pour les enfants abandonnés. En effet, le tour de la Charité fonctionne jusqu’en 1841.
En 1824, les frères charitains sont remplacés par les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, qui laissent elles-mêmes place aux Augustines en 1841.
Le 31 janvier 1866 la Commission administrative des hospices civils acte la réunion de l’hôtel-Dieu et de la Charité séparés l’un de l’autre par une distance d’environ 1 200 mètres et débloque les budgets en vue de cette réunion. Cela faisait bientôt 70 ans que la question de cette réunion était posée, mais ce n’est que 8 ans auparavant que l’administration s’en est occupée de façon sérieuse.
L’établissement de la Charité est finalement transformé en maison de retraite Bellevue à la fin du XXe siècle. Au début des années 1990, les anciens bâtiments sont presque tous démolis à l’exception de la chapelle et du corps central.
L’hôpital généralPar testament du 6 avril 1721, Nicolas Vitart, écuyer, conseiller et secrétaire du roi, lègue à la ville de Château-Thierry la somme de 50 000 livres. A savoir, 45 500 livres réparties en trois parties de rentes à prendre sur les Aides et Gabelles, et le reste à prendre sur la succession pour acquérir une grande maison et y installer un hôpital.
Les administrateurs de l’hôpital seront choisis parmi les parents paternels et maternels du testateur. Ceux-ci seront tenus de faire dire et célébrer à perpétuité, à compter du jour du décès du testateur, un service solennel chaque année et trente messes basses de requiem dans l’église de leur choix en attendant que celle de l’hôpital soit construite.
L’établissement de l’hôpital général est autorisé par la lettre patente du roi datée de décembre 1729, ainsi que par l’approbation de l’évêque de Soissons en février 1730. Le testament est exécuté le 28 mars 1730.
Une grande maison est alors achetée au faubourg de la Madeleine à Château-Thierry. Elle est composée d’un corps de logis avec cours et jardin, complété d’une aile avec chambre, le tout au-dessus d’une écurie et d’un fournil. La maison dispose de deux cours sur le devant dont la première avec une grande porte cochère. Elle est entourée, au septentrion, par le grand cimetière de la ville appelé la Madeleine, et, vers midi, au jardin de la cure de Château-Thierry.
L’hôpital est définitivement installé le 30 octobre 1730. La même année, une personne inconnue verse 6 000 livres pour acheter des pièces d’héritages.
Le 10 septembre 1778, la suppression de l’abbaye de La Barre procure à l’hôpital général une rente annuelle de 500 livres et d’un muid de blé.
L’hôpital des petits orphelins (ancien hôpital de la Madeleine)
A l’origine, au XVIIe siècle, Marie Burcelles s’occupait des pauvres malades. En voyant des pauvres orphelins abandonnés de tous, elle décide de les recueillir dans une maison qu’elle loue au faubourg de la Madeleine. Elle demande à une vielle femme d’en prendre soin et de les nourrir. Elle obtient le soutien et l’aide de plusieurs personnes charitables dont René Pinterel. A la mort de cette femme, Robert Tugot décide de continuer son œuvre. Les deux hommes achètent, en 1717, une maison au faubourg Saint-Crépin sur une place anciennement appelée « Boulevard ».
En 1719, René Pinterel d’Ebiés, greffier criminel au parlement de Paris, et Robert Tugot, bourgeois de Château-Thierry, fondent officiellement un hôpital des Petits Orphelins rue du Calvaire à Château-Thierry, dans une maison ayant autrefois pour enseigne « la grosse tête ». La fondation de cette maison est destinée au logement et à l’école des enfants orphelins de la ville pour y être « instruit en la crainte de Dieu ». Robert Tugot s’occupe des enfants et reste à la tête de cet hôpital jusqu’à sa mort en 1721. Par son testament, il lègue aux petits orphelins des terres, du blé, des revenus et une maison située à la Madeleine. Il souhaite également être enterré dans le grand cimetière et que l’on célèbre une messe à perpétuité tous les jours pour lui et ses parents défunts. Puis, ce sont les curés, échevins et officiers de la ville qui nomment son remplaçant.
On réunit à cet hôpital déjà existant la dotation de 50 000 livres faite par le conseiller Vitart en faveur des vieillards, dans le but de constituer un plus grand établissement.
En 1730, l’abbé commendataire de Chézy donne à cet hôpital les deux bénéfices simples dans la chapelle de la Madeleine dont il est le patron, à condition que son abbaye ait le droit à perpétuité d’y envoyer un enfant de 7 ans pour y être nourri et instruit avec les autres.
Ce nouvel hôpital est administré par des parents des fondateurs et par trois curés de la ville qui ne forment qu’une seule voix. L’établissement est transféré depuis la rue du Calvaire jusqu’à une maison près de l’ancienne Madeleine. En 1749, les revenus de l’hôpital général s’élèvent à 2 000 livres par an. Cependant, il doit acquitter les dépenses de nombreuses fondations, si bien qu’il ne peut nourrir que 30 pauvres et n’entretenir que deux femmes pour soigner et un domestique. Dans un premier temps, on fait appel à des religieuses de l’Enfant-Jésus de Soissons pour éduquer les jeunes enfants, mais elles se retirent après des difficultés avec les administrateurs. L’école pour filles est quant à elle tenue par une maitresse, attestée en 1783. En 1797, l’hôpital général de la Madeleine est uni à l’hôpital de la Charité.
Connue depuis le XIXe siècle comme une des deux écoles religieuses de la ville, les bâtiments qui la composaient ont été vendus et rasés en 2010 dans le cadre d’une opération immobilière. Plus rien ne subsiste désormais.CONTENU ET STRUCTURE
CONDITIONS D'ACCÈS ET D'UTILISATION
SOURCES COMPLEMENTAIRES

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