Le mariage de Camille Desmoulins

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Camille Desmoulins est né à Guise le 2 mars 1760. Son père, lieutenant général civil et criminel au bailliage de Guise, n’est guère riche, mais une partie de la dot de son épouse est consacrée à l’éducation de ses enfants. Camille, qui est intelligent et fait preuve de précoces aptitudes pour l’étude, obtient une bourse au collège Louis-le-Grand de Paris où il côtoie Robespierre et Fréron. Puis, il fait des études de droit et devient avocat au Parlement de Paris en 1785. Mais, sans relations et atteint de bégaiement, il plaide peu, vivant chichement et quémandant quelque argent à son père.

 

À Paris, il demeure dans une chambre proche d’une maison bourgeoise appartenant aux époux Duplessis dont le mari est premier commis au Contrôle général. Quand il fait beau, la belle madame Duplessis emmène ses deux filles au jardin du Luxembourg, à quelques pas de là. Instinctivement, Camille la suit et ne la quitte pas du regard. Il est subjugué par sa beauté mais n’ose l’aborder. Madame Duplessis remarque le jeune homme, il a 23 ans, et s’amuse de son amour qu’elle ne repousse cependant pas. S’ils se rencontrent régulièrement, l’amour de Camille reste néanmoins platonique, la belle sachant arrêter les ardeurs de ses soupirants. Par l’entremise de Fréron, il pénètre toutefois dans l’intimité de madame Duplessis qui tient salon chez elle et qui l’été gagne sa propriété de Bourg-la-Reine. Camille est du voyage et il savoure ces instants délicieux.

 

Mais il faut bientôt regagner Paris et affronter les difficultés essentiellement financières qui assaillent Camille. Pour en sortir, une solution : le mariage. Nous sommes en 1787. C’est l’époque où il remarque la beauté de Lucile, la fille aînée de madame Duplessis. Lucile a 17 ans, lui 27, et son amour pour elle grandit de jour en jour si bien qu’il la demande en mariage à son père. Surpris, ce dernier temporise puis refuse la main de sa fille qui peut prétendre à un meilleur parti. Camille regagne peu après Guise.

 

Pendant ce temps, la situation en France s’aggrave, les finances de l’État sont au plus mal et Louis XVI est contraint de réunir les États généraux. Desmoulins accueille la nouvelle avec joie mais n’est pas élu député. Il quitte à jamais sa ville natale et s’installe définitivement à Paris. Il s’enthousiasme pour les idées nouvelles et devient peu après l’un des collaborateurs de Mirabeau. Le 12 juillet 1789, au Palais-Royal, ayant appris le renvoi de Necker, il harangue les Parisiens, parle d’une « Saint-Barthélemy des patriotes » et appelle aux armes. Deux jours plus tard, la Bastille tombe aux mains des émeutiers. Peu après, il écrit son Discours de la Lanterne aux Parisiens et fonde un journal Révolutions de France et de Brabant dans lequel il peut exercer tout son talent de libelliste. Il devient dès lors un personnage marquant de la Révolution naissante.

 

Dès son retour à Paris, Camille revoit Lucile. La jeune femme avait appris sa demande en mariage et elle s’éprend chaque jour davantage de cet homme qui ne l’a pas oubliée et qui veut plus que jamais l’épouser. Madame Duplessis, qui a deviné l’idylle, s’efforce de convaincre son mari à ce mariage. Mais ce dernier reste intraitable et Lucile refuse tous les partis qui lui sont proposés. Cependant, petit à petit, monsieur Duplessis adhère aux idées de la Révolution et reconnaît que Camille est en passe de faire une belle carrière dans le journalisme et dans la politique. Il autorise les rencontres entre sa fille et le révolutionnaire. Mais Lucile le rabroue, l’éconduit et le laisse dans l’expectative. Elle lui cache ses sentiments profonds. Toutefois, madame Duplessis veille et obtient le consentement de son mari. Nous sommes en décembre 1790. Elle en informe Camille qui court l’apprendre à Lucile. Ils fondent en larmes.

 

Camille veut un mariage rapide, dans les huit jours, mais les formalités administratives demandent davantage de temps, notamment celles liées au versement de la dot de 100 000 livres. Le futur époux écrit à son père à Guise pour lui annoncer la nouvelle et lui demander son consentement. Mais ce dernier ne répond pas. Le 18 décembre, Camille lui adresse un nouvel appel qui sera cette fois-ci entendu. Le mariage est célébré en l’église Saint-Sulpice. Les témoins de Lucile sont Robespierre et Sébastien Mercier, ceux de Camille, Pétion et Brûlart de Sillery. Brissot, présent, signe aussi l’acte de mariage. Le couple sera uni jusque dans la mort puisque Camille, arrêté avec les dantonistes en avril 1794, sera guillotiné le 6 et que Lucile le suivra huit jours plus tard, inculpée dans un complot des prisons avec le général Dillon.

 

 

Transcription du document :

 

Mon tres cher pere,

 

comment se peut il qu’en recevant ma dernière lettre

Contresignée du Garde des sceaux vous n’ayez pas

envoyé chercher le notaire, pour me faire passer

poste pour poste votre consentement et celui de ma

Chere mere, notariés et en bonne forme. par votre

lenteur, mon Mariage est retardé de huit jours,

songez que je Compte les Minutes et ne prolongez

pas votre Veto Suspensif. cet établissement fait

mon Bonheur et ma fortune et la votre, ainsi

faites moi passer a la hate ce Consentement

et ne me desolez pas davantage.

 

C. Desmoulins

 

votre fils Marié si avantageusement, et

vous commissaire du roi, cest ce me semble, un assez

grand sujet de vous réjouir.

 

18 Xbre 1790.