Le tour d’abandon ou « tourniquet »

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Jusqu’au XVIe siècle, l’État refuse de se charger du problème des enfants trouvés ou abandonnés et demande aux seigneurs d’y faire face. Les crises de subsistances, très fréquentes au XVIIe siècle, sont l'occasion d'abandons massifs. On voit alors se développer un esprit de charité et la prise en charge de ces enfants par les institutions hospitalières. C’est notamment en 1638 que saint Vincent de Paul crée l’œuvre des enfants trouvés de Paris où les parents peuvent déposer les enfants dont ils ne peuvent assumer l’entretien.

 

En 1656, le pouvoir royal décide de construire 33 hôpitaux sur l’ensemble du royaume. L’hôpital général de Laon est alors fondé et répond à une politique royale d’assistance et à la volonté de César d’Estrées, évêque de Laon, de combattre la misère et les épidémies qui ont touché le Laonnois. Il décide d’établir cet hôpital pour favoriser les soins et accueillir plus d’une centaine de vieillards et d’orphelins de l’élection de Laon.

 

Au XVIIIe siècle, la situation s’aggrave. La progression des abandons est due à la misère des classes populaires et aux facilités offertes par les institutions. Le nombre d’enfants abandonnés progresse d’une façon qui paraît spectaculaire et inquiétante. Il faut cependant observer que la plupart de ces enfants sont abandonnés dans les villes car les filles-mères des campagnes viennent y accoucher. La pratique la plus courante consiste à « exposer » son enfant dans un lieu public, souvent sous un porche d’église. Beaucoup d’enfants sont également abandonnés à l’hôpital après leur naissance ou chez les sages-femmes.

 

A l’hôpital de Laon un tour d’abandon est installé dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le tour était une amélioration du système de la « roue » que le pape Innocent III avait fait construire en 1198. Puis vers 1800, on crée à la porte des hospices le « tour » ou « tourniquet ». Le « tour » est un cylindre installé dans la muraille qui pivote sur un axe. Un côté du cylindre est ouvert. Le côté fermé fait face à la rue. Une cloche extérieure est placée à côté. L’abandonnant avertit la garde grâce à cette cloche. Le cylindre est alors manœuvré et présente le côté ouvert à l’extérieur. L’enfant est déposé. Le cylindre tourne vers l’intérieur et l’enfant est pris en charge par la garde. Ce système permet de garder l’anonymat. Le décret du 19 janvier 1811 prévoit qu’un tour doit être installé dans chaque chef-lieu d’arrondissement.

 

On distingue les « enfants trouvés », exposés dans les lieux publics, recueillis et transportés dans une institution, des « enfants abandonnés » que leurs parents confient à un proche, à une autorité locale ou à une institution. Autrement dit, la nuance entre « enfant trouvé » et « enfant abandonné » réside en ce que le premier est né de parents inconnus alors que le second est né de parents connus.

 

À partir de 1790, les enfants trouvés, abandonnés et orphelins sont à la charge de l’État. La protection de l’enfance est fondée par la loi du 27 juin 1793 : l’éducation physique et morale des enfants trouvés et abandonnés revient à la charge de l’État qui confie les enfants aux hospices civils, mais sans contrepartie financière. En 1811, l’État s’engage à rembourser les hospices des frais engagés pour l’entretien des enfants et met en place un système de pension afin que les enfants soient placés en nourrice à la campagne. La loi du 5 mai 1869 impose la création d’un service préfectoral chargé du suivi des enfants assistés. Ce service produit des dossiers individuels pour chaque enfant pris en charge, indiquant son état civil, les motifs de son abandon et son parcours. L’identité des parents n’est pas nécessairement indiquée, notamment quand il s’agit d’un dossier d’accouchement sous X.