Le campagnol et le prisonnier

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Cette correspondance, entre le chef de canton agricole de Fère-en-Tardenois et Monsieur Turpin, délégué du syndical cantonal de Dravegny, est conservée dans le fonds communal de Dravegny, sous la cote E-dépôt 429 4 H 32.

 

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les campagnes reprennent peu à peu leurs activités d’avant-guerre, comme ce fût le cas de la commune de Dravegny située à 55 km au sud de Laon et à 35 km au nord-est de Château-Thierry.

 

Essentiellement agraire, cette commune a toujours dû faire face à des problèmes majeurs comme la lutte contre les nuisibles qui causent de gros dégâts aux cultures. Comme ce document l’atteste, l’un des principaux nuisibles reste le campagnol.

 

Pour lutter contre ce fléau, le monde agricole est bien décidé à utiliser les innovations découlant des armes chimiques utilisées durant la Première Guerre mondiale. L’une des principales, mentionnée dans cette lettre, est le chloropicrine. Ce produit, un « gaz suffoquant et toxique de guerre », doit être utilisé avec précaution, comme en témoignent les mentions du port obligatoire de gants, du masque à gaz et d’une combinaison imperméable. La nature dangereuse du produit est encore soulignée par la note marginale en haut à gauche mentionnant que son utilisation ne doit pas être faite près des habitations.

 

Pour le traitement des cultures, et pour garantir la santé des agriculteurs tout en utilisant cette nouvelle « arme chimique », les autorités, chapeautées par le ministère des Régions libérées, comme l’atteste la présence du cachet, mettent à disposition, à titre gratuit, un prisonnier de guerre pour l’utilisation de ce produit. Cet emploi de prisonnier n’a pas pour seul but de préserver la santé de ses utilisateurs, mais aussi de mettre en avant l’utilisation de ce gaz et ses « bienfaits », dans le but d’en répandre son utilisation. En effet, le produit a, selon le document, un seul défaut : son prix. Face à cette nouveauté, les agriculteurs peuvent être réticents à l’utiliser, d’autant plus si ce produit s’avère être dangereux et coûteux. Pour pallier à ces problèmes, l’emploi de prisonniers de guerre est une solution, à la fois parce qu’il constitue une main d’œuvre peu coûteuse, et qu’ils peuvent effectuer les tâches les plus ingrates, mais aussi par le fait que peu de droits leurs sont reconnus, en dépit de la Conférence de la Haye.

 

Quelques années plus tard, le 27 juillet 1929, la Convention de Genève, relative au traitement des prisonniers de guerre, constitua le statut du prisonnier de guerre et régit leurs conditions de captivité.